Blogs : la fin d'une ère?
Vu le temps que j'y ai passé ces dernières années, j'étais bien obligée de réagir ici au coup de tonnerre qui a touché la blogosphère cette semaine : la fermeture du site Hellocoton.
Même si l'on sentait la plateforme en déclin depuis déjà bien longtemps, Hellocoton restait une institution dans le monde du blogging.
Ce site était un outil formidable pour les blogueuses passionnées : très pratique d'une part pour découvrir et suivre plusieurs blogs depuis un même endroit, et d'autre part, pour consulter chaque jour une sélection des articles les plus intéressants de la blogo (enfin au moins en théorie!).
Autant dire que malgré ses défauts, Hellocoton m'a rendu de grands services, tant pour faire décoller mon blog à ses débuts, que pour assouvir ma soif de lectures!
Bugs à répétition, publicité invasive, sélections paresseuses, puis carrément aucune activité cet l'été... Hellocoton n'était pourtant plus ce qu'il avait été à sa grande époque.
Alors, ça n'a pas surpris grand monde lorsque le site a subitement annoncé, cette semaine, sa fermeture définitive.
L'annonce a pourtant été un vrai choc au sein de la communauté des blogueuses. La manière de faire, très brutale, a d'abord provoqué une incompréhension totale : un e-mail succinct aux utilisatrices, indiquant que le site deviendrait inaccessible dès le lendemain.
Un avertissement très tardif, bien peu respectueux pour des abonnées souvent impliquées, qui risquaient de perdre du jour au lendemain les liens vers tous les blogs qu'elles suivaient via ce réseau (l'équipe a finalement par la suite assoupli son délai).
Mais la fin de la plateforme a surtout immédiatement soulevé une grande vague de nostalgie chez les utilisatrices, y compris celles qui ne s'y connectaient plus depuis longtemps.
Toutes se rappelaient combien le réseau avait été un outil innovant et fantastique pour les blogs, et avaient l'impression de perdre un sentiment d'appartenance, de voir éclater une vraie communauté soudée. La fin d'un monde...
Même si la plateforme n'était plus aussi performante, ni aussi usitée qu'autrefois, elle restait un véritable symbole dans le monde du blogging.
Sa fermeture remet donc sur le tapis une question qui flotte déjà dans l'air depuis longtemps : est-on en train de vivre la fin des blogs?
C'est une réflexion de fond à laquelle il est difficile de répondre clairement aujourd'hui, tant on navigue entre deux eaux.
L'essor incroyable des réseaux sociaux ces dernières années, et avant tout d'Instagram, a en effet clairement impacté les blogs. De moins en moins de trafic, de moins en moins de commentaires...
Les lecteurs se détourneraient massivement des blogs pour se tourner vers des modes d'expression plus rapides, plus visuels ou plus spontanés, en un mot, plus faciles d'accès. Les blogueurs aussi, d'ailleurs, se sont laissé attirer par la simplicité de ces outils, quitte parfois à délaisser leur media initial.
C'est indéniable : les contenus directs et faciles, comme on en trouve sur les réseaux sociaux, remportent de plus en plus de succès, répondant à une tendance générale au "fast read", où l'on réfléchit de moins en moins.
Seulement, ce type de contenus, aussi agréables soient-ils, ne conviennent pas à tous les sujets, et ne contenteront pas tous les utilisateurs...
Il y aura, je crois, toujours une portion d'entre eux en recherche d'une information plus détaillée et d'une analyse plus approfondie, non limitée en nombre de caractères.
Peut-être que ça concernera moins de monde, peut-être que ce ne sera pas sur les mêmes sujets ; mais ce besoin perdurera, et les blogs avec lui. Les lecteurs se diviseront peu à peu - comme c'est déjà le cas, me semble-t-il - en deux "clans" (parfois superposables!).
Ceux qui veulent un contenu récréatif, rapide et léger, quitte à ce qu'il soit uniformisé, vont continuer de plus en plus privilégier Instagram, pinterest ou encore YouTube ou TikTok.
Mais ceux qui veulent aller plus loin et bénéficier d'un contenu plus riche et plus précis, se tourneront vers Twitter, vers des podcasts, et toujours vers des blogs...
Selon son envie, l'inspiration du moment, le sujet auquel on s'intéresse, on se tourne différemment vers les réseaux sociaux, vers les blogs, ou les deux.
Alors même s'ils relèveront d'une utilisation plus marginale, pour moi les blogs ne disparaitront pas.
Parce que leur aspect subjectif aura toujours lieu d'être, en contrepoint à une information médiatique par définition plus neutre (en tout cas en principe!) ; parce qu'ils permettent de s'exprimer sur un mode long et modulable ; et surtout, surtout, parce qu'ils ont une pérennité et une indépendance que ne permettent pas les réseaux sociaux dans leur ensemble.
Les posts diffusés sur des applications sont en effet très vulnérables : ils sont complètement à la merci de leurs algorithmes, voire, dans le plus pessimiste des cas, de leur potentiel arrêt pur et simple (ce qui est aujourd'hui le cas d'Hellocoton, sur lequel comptaient, au moins pour partie, beaucoup de blogueurs).
La durée de "vie" moyenne d'une publication sur les réseaux sociaux est très courte, de quelques heures à quelques semaines tout au plus.
Grâce au référencement, un article de blog restera, lui, accessible sur le très long terme, directement auprès d'un public ciblé justement en recherche sur ce thème.
Par ailleurs, après des années à être de plus en plus mis en avant, on commence à percevoir la limite du système de "likes" inhérent aux réseaux sociaux.
Petit à petit, ces derniers ont pris un poids primordial dans les algorithmes déterminant la visibilité des publications, ou leur disparition aux oubliettes. Aujourd'hui, les utilisateurs n'ont plus le contrôle total de leur contenu, qui ne sera dans tous les cas montré qu'à une partie de leur audience (10-15% seulement à chaque post, en fonction, entre autres, des "likes").
Forcément, les utilisateurs s'en plaignent, soulignant la pression qu'une telle situation fait peser sur une utilisation saine des réseaux... Au point que les principales applications (Instagram, Facebook) prévoient désormais de masquer les "likes" - mais sans toutefois sans toutefois les retirer de l'algorithme.
Autrement dit, un effet d'annonce qui les dédouane, mais qui au final... ne changera pas grand chose.
A l'heure actuelle, les blogs restent donc le seul mode d'expression indépendant d'envergure qui permette de s'affranchir de ces contraintes.
L'auteur d'un blog en contrôle, autant qu'il le peut techniquement bien sûr, son propos (sur le fond comme sur la forme) , son audience (en partie contactable directement via l'abonnement à une newsletter ou au flux), son SEO (ensemble des techniques favorisant un bon référencement)... De sérieux atouts pour une visibilité à long terme!
Par ailleurs, si les réseaux sociaux proposent indéniablement un format attractif, ils souffrent maintenant d'un effet de masse et de standardisation, qui finit par provoquer la lassitude d'une partie des utilisateurs.
L'instantanéité des débuts a laissé place à des contenus très calibrés, de plus en plus pointus. Sur instagram en particulier, il est de bon ton de publier une photo très soignée, mais aussi, de plus en plus, une légende longue, et porteuse de sens.
Les utilisateurs reviennent ainsi peu à peu à une volonté de contenu de fond, au delà de la simple attractivité immédiate.
Tout ça ne fait évidemment pas tout... Il serait illusoire de croire que les blogs "gagneront" la bataille - ce n'est sans doute pas le cas.
Mais je crois qu'ils ne vont pas disparaitre pour autant, mais qu'ils évolueront. Il faut certainement se résigner à des audiences peut-être plus faibles qu'avant, à des usages différents (audience plus ciblée ; articles plus longs, plus originaux et plus fouillés qu'à une époque ; trafic issu du référencement plus que d'un suivi de chaque article...), mais en s'adaptant, les blogs sauront perdurer.
Ceux qui resteront et qui sortiront du lot le feront sur un mode qualitatif, avec passion et débrouillardise, sans vouloir s'imposer un modèle unique basé uniquement sur une recherche de succès à court terme.
A l'heure où l'on prédit la fin des blogs, beaucoup d'entre eux continuent d'ailleurs à voir leurs audiences continuer à grimper (peut-être plus dans les mêmes échelles et à la même vitesse qu'il y a quelques années... Mais mon blog est un exemple parmi d'autres prouvant qu'on peut de nos jours avoir des audiences stables et croissantes!).
Les lecteurs sont sans doute aujourd'hui plus exigeants qu'ils ne l'ont été dans le passé, et c'est sûr, plus difficiles à capter pour prendre le temps de lire un article en entier... Mais en se laissant guider par l'objectif d'un contenu de qualité, original et pertinent, les blogueurs les plus tenaces peuvent, j'en suis sûre, réussir à tirer leur épingle du jeu.
Alors, je pense que malgré la rude concurrence des réseaux sociaux, les blogs ont même aujourd'hui encore plus qu'avant un rôle à jouer...
Celui d'un retour à une consommation d'information plus raisonnée. J'y compte bien en tout cas - et vous pouvez compter sur moi pour travailler dans ce sens! ;o)