Déconfinement : faut-il remettre son enfant à l'école?
Après des semaines d'efforts, le déconfinement se profile enfin à l'horizon! Mais ça ne va pas sans questions... dont avant tout celle du retour à l'école pour nos enfants.
Cela fait tellement longtemps que nous l'attendions! Pourtant, avec le temps, nous avons bien compris que le déconfinement ne signifierait pas un retour à la vie d'avant... Loin de là, même, et pour un moment.
Et pourtant - il va bien falloir apprendre à remettre en route la société, puisqu'on nous y enjoint de toutes parts, pour faire repartir l'activité. En ligne de mire, d'abord, cette date clé du 11 Mai, et son rythme bousculé. Même si tout ne sera pas finalisé d'ici là, il faut déjà commencer à nous organiser. Et rien n'est simple...
Quelque soit notre situation, il y a toujours des éléments à préciser - et il ne faut pas se leurrer, tout ne sera toujours pas clarifié quand nous serons déconfinés.
Pour nous, parents, un point crucial est d'ores et déjà à trancher : faut-il remettre nos enfants à l'école, ou continuer à les garder?
Un sacré casse-tête, sur lequel nous sommes nombreux à nous arracher les cheveux. Comment réussir à prendre cette décision, tant il y a d'inconnues encore?
Les lignes directrices énoncées par le gouvernement sont au mieux, très floues, et au pire, inapplicables dans la réalité - dans tous les cas, il est aujourd'hui très difficile de visualiser ce qui attend vraiment nos enfants s'ils rejoignent les bancs de l'école.
Une reprise, d'accord ; mais quand, et comment, en fait, exactement? La distanciation sociale, les gestes barrières, les rythmes alternés... Même si on sait maintenant ce que c'est - comment est-ce que tout ça sera adapté sur le terrain? Les protocoles prévus pourront-ils seulement être respectés? Difficile de se faire une vraie idée.
Et pourtant, on nous presse déjà à prendre position : les Directeurs d'école ont besoin de savoir comment les parents se positionnent, pour s'organiser en conséquence ; et les parents, eux, ont besoin de savoir précisément comment ça va se passer, pour pouvoir se décider.
Un vrai cercle vicieux! Il nous faudra pourtant réussir à avancer quand même, même si l'on ne peut pas tout évaluer.
Il y a tellement de paramètres à prendre en compte... Les critères à considérer pour peser le pour et le contre d'un retour à l'école sont nombreux, et très variés.
Sa situation professionnelle, avant tout, car déjà, beaucoup n'auront simplement pas le choix. Parce qu'ils travaillent "en première ligne", ou que leur présence physique au travail est indispensable, ils ne peuvent pas assurer la garde de leurs enfants. Ou parce que s'ils ont su s'organiser jusqu'à présent, la réduction (ou suppression) des aides disponibles jusqu'à présent les empêchera de continuer à rester à la maison.
D'autres auront plus de souplesse, parce qu'ils télétravaillent, sont au foyer, ou peuvent bénéficier d'aide pour la garde des enfants ; mais ça ne rendra pas forcément leur décision plus claire, car la présence continue des enfants à la maison n'est pas toujours si simple qu'elle ne le parait sur le papier.
Le risque sanitaire est bien sûr un autre paramètre crucial. Car même si les dernières nouvelles se veulent plutôt rassurantes quant à la circulation du virus chez les enfants, il n'y a pas de risque zéro. On ne sait pas comment le virus évolue, ni quels sont les risques exacts que l'on fait courir à nos enfants, ou à ceux des autres.
Et puis au delà des risques pour eux, s'ajoutent ceux pour nous, parents, et bien sûr pour les enseignants et l'ensemble du personnel des écoles. Si l'on se sait à risques, mieux vaut maintenir nos enfants à l'écart de tout danger potentiel... Mais même sans savoir, on ne peut pas occulter la menace latente, invisible mais bien réelle, qui augmentera évidemment avec le retour des échanges inter-personnels.
L'impact psychologique de la situation prend aussi un poids important, pour nous, parents, comme pour nos enfants.
La longue période de confinement dont nous allons sortir a laissé des traces chez chacun - mais chez certains, elles sont plus profondes que chez d'autres.
Quelques soient nos conditions de confinement, elles ont bousculé nos habitudes et nous ont forcé à accepter restrictions et difficultés, à des degrés bien sûr extrêmement divers.
Certains ont eu la chance - matérielle ou non - de pouvoir le gérer sans trop de dommages, et de maintenir leurs forces ; dans le même temps, d'autres perdu pieds et ont fini par y laisser des plumes.
Il y a tous ces parents débordés, épuisés d'avoir porté vaillamment tant de casquettes : employé, cuisinier, animateur, enseignant, psy, agent d'entretien ou encore arbitre...
Des parents au mieux fatigués et en stress, mais aussi parfois à bout ou totalement angoissés, au bord du burn-out ou de la déprime. Et dans les pires cas, même, des situations familiales très difficiles, inconfortables ou même dangereuses pour les enfants.
Et puis il y a les enfants eux-mêmes, parfois aussi très affectés... Si certains "vivent leur meilleure vie", d'autres commencent à sérieusement ronger leur frein.
Il y a ces enfants tristes de ne plus voir leurs amis et leurs enseignants préférés, apeurés par ce qu'ils entendent autour d'eux au sujet de ce si mystérieux virus, et souvent déboussolés par tous les changements qu'a subi leur quotidien.
Des enfants qui, même de bonne volonté, commencent aussi à se lasser des pédagogies alternatives que nous pouvons leur proposer, à la maison, malgré la continuité pédagogique que la plupart des enseignants ont réussi à instaurer.
On le constate tous, je crois - l'enthousiasme n'est plus le même après des semaines d'école à la maison, et la portée des apprentissages n'est pas toujours comparable à celle offerte à l'école. On ne s'improvise pas prof : le confinement nous l'aura définitivement prouvé (pour ceux qui en doutaient^^...). Et de toute façon, l'enfant ne peut pas entretenir la même relation avec son parent-prof, qu'avec un enseignant.
La plupart des enfants réclament de retrouver une certaine normalité, fût-elle différente de ce qu'ils ont connu, et des routines et de repères à raccrocher à leurs habitudes d'avant. Pour certains, ce n'est qu'un souhait, une envie ; pour d'autres, un besoin ou même une nécessité, notamment pour les élèves souffrant d'un handicap.
Et pourtant... Nous savons, nous, adultes, qu'ils ne retrouveront pas dans cette "rentrée" post-covid tout qu'ils attendent tant : les jeux, les copains, le matériel... et surtout l'insouciance.
L'école ne sera plus la même que celle qu'ils connaissaient, en tout cas pour un temps.
Petits groupes de 15 élèves grand maximum, enseignants masqués, lavages de main ultra-réguliers, dépose au portail par les parents, interactions limitées entre les élèves, espaces délimités, rythmes alternés et décalages des horaires...
Une mise en place pour le moins compliquée, sans parler des temps de cantine et de périscolaire, encore plus flous à encadrer.
Ces conditions très strictes, très difficiles à mettre en place pour les Directeurs d'école et les équipes éducatives, seront même parfois tout simplement inapplicables pour de petits établissements. Chacun attend maintenant de savoir comment exactement ce sera appliqué dans l'école de ses enfants - car cela prendra des formes très différentes pour chacun.
Pour autant, dans tous les cas, les enfants ne retrouveront pas ce qu'ils espéraient ; et pour certains, ce sera sans doute dur à encaisser.
Sans parler de traumatisme (je trouve pour ma part le mot trop fort, car il ne faut pas oublier qu'ils seront encadrés, et que ces conditions leurs seront expliquées, de façon adaptée et mesurée), il est indéniable que les enfants seront pour le moins déboussolés.
Lorsqu'on fait le compte des jours restants pour finir l'année scolaire - des décomptes approximatifs circulent d'ailleurs sur les réseaux sociaux, arguant qu'il ne s'agira au final que de quelques jours réellement effectifs - on est en droit de se demander la légitimité, ou au moins l'intérêt, de bouleversements d'une telle ampleur pour une période si limitée.
Seulement... Il y a peu de chances que la situation ne soit revenue parfaitement à la normale d'ici à la rentrée de Septembre ; il faudra bien un jour "s'y jeter", et prendre le risque d'une scolarité réorganisée, et autant que possible, sécurisée. Et ces quelques semaines qui restent jusqu'à la fin d'année, en serviront de test, et d'entrée "en douceur" dans une nouvelle normalité. Ce ne sera pas idéal, c'est sûr ; mais il faudra en passer par là.
Travail, risque sanitaire, fatigue nerveuse, anxiété, état des enfants... Tout cela se télescope et ne peut nous laisser que perplexe, et perdus face à cette importante décision.
Un dilemme insoluble, car il n'y a pas, au fond, de "bonne décision"! Dans un cas comme dans l'autre, qu'on remette nos enfants à l'école ou non, on ne pourra pas être sereins...
Si je met mon enfant à l'école dès maintenant, ne vais-je pas l'exposer inutilement à un risque trop grand? Mais si je le garde à la maison, saurais-je encore tenir le coup, et lui offrir un épanouissement suffisant?
Retourner à l'école si peu de temps lui permettra-t-il vraiment un apprentissage plus efficace? Mais s'il reste encore à la maison, ne risque-t-il pas d'avoir passé trop de temps en marge de la société pour y revenir sans difficulté, après?...
Il n'y a pas de solution parfaite, et rien n'est noir ni blanc.
Il y a trop de variables à prendre en compte, dont l'importance et la valeur prennent une forme différente d'une famille à une autre. A nous de croiser tous les paramètres qui sont les nôtres, et qui sont propres à notre situation...
Puis à partir de ça, de prendre "la moins mauvaise décision", celle avec laquelle, en tout cas, on est le plus à l'aise.
Avant d'assoir sa décision pour de bon, je crois qu'il est bien aussi d'y intégrer les premiers concernés, c'est à dire nos enfants.
Pas forcément de manière directe, car nos petits n'ont pas tous les éléments en main pour pouvoir pleinement se rendre compte des possibilités et des conséquences ; et la responsabilité ne doit de toute façon pas leur incomber.
Mais de manière générale, à titre consultatif, il me semble important de faire le point sur leurs attentes, et de considérer leur point de vue dans la décision finale. De discuter avec eux pour voir comment ils imaginent les choses, puis de leur expliquer dans les grandes lignes que, si retour à l'école il y a, ce sera sous une forme différente de leur habitude, intégrant gestes barrière et autres restrictions.
Sans entrer dans le détail - pour ne pas non plus trop biaiser leur ressenti - on peut essayer de jauger leur capacité à faire face aux nouvelles règles, physiquement et moralement.
Nous sommes les plus à mêmes de savoir si nos enfants peuvent affronter ce qui les attend à l'école, selon leur caractère... En observant leurs réactions, on peut ainsi sonder ce à quoi ils sont prêts, et évaluer à quel point ils seront aptes à s'adapter.
Car il ne faut pas non plus, je crois, oublier l'extraordinaire capacité d'adaptation de nos enfants...
Nos angoisses d'adultes, nos projections de parents, ne sont pas forcément les leurs : ils voient moins loin que nous, et sont habitués, dans un cadre scolaire, à respecter la discipline imposée par les enseignants et à appliquer les règles qui leur sont proposées, quelles qu'elles soient.
Certes, les nouvelles règles qui seront mises en place seront très restrictives, et déstabilisantes ; mais il faut aussi avoir confiance en l'équipe enseignante qui saura les expliquer, et rassurer les enfants, avec pédagogie et bienveillance.
Mais aussi remanier les enseignements en conséquence, proposer des activités adaptées, et réinventer les possibilités pour répondre au challenge d'un apprentissage en sécurité.
Certains enfants seront capables de rester enthousiastes, raisonnables, disciplinés face aux nouveaux protocoles, et sauront s'y plier ; pour d'autres, anxieux, incapables de se plier à une discipline si stricte, ou trop déçus de ne pas retrouver leurs habitudes, l'école ne sera pas indiquée.
Dans tous les cas, dans l'absence de consignes gouvernementales claires, il faudra faire du "cas par cas".
A chacun de décider s'il souhaite remettre ses enfants à l'école ou pas ; mais on ne devrait pas être jugé pour ça.
Quelque soit l'option choisie, il ne faut pas oublier qu'elle dépend d'un ensemble complexe d'éléments - ce n'est pas juste un "oui" ou un "non" correspondant à des raisons évidentes. La décision des autres peut être issue de critères très différents des nôtres... mais elle est aussi logique, et aussi légitime, qu'on soit d'accord ou pas.
On nous martèle qu'on est "en guerre", mais il ne faut pas se laisser abuser par ce vocabulaire offensif : il ne s'agit pas de choisir un camp, mais de faire du mieux que l'on peut pour sa famille, avec les armes que l'on nous laisse en main.
On nous parle de volontariat, mais on a pas toujours le choix ; on nous demande de faire un choix, sans nous donner tous les éléments pour le faire.
Que l'on hésite, que l'on soit sûrs, que l'on ait raison ou qu'on se trompe, nous n'avons pas l'entière responsabilité de notre choix - nous composons avec les éléments qu'on a mis à notre disposition.
Il ne s'agirait pas de l'oublier ; et ce combat malsain que l'on sent parfois monter, sur les réseaux sociaux, entre ceux qui ont hâte de remettre les enfants à l'école, et ceux qui trouvent ça irresponsable, me semble parfois tout aussi dangereux que le virus qui court dehors.
La période est difficile, et le choix de l'école tout autant - ne nous rajoutons pas un poids supplémentaire en nous culpabilisant... nous n'en avons vraiment pas besoin.