Lecture - "L'amour des grands" de Caroline Michel
Vous êtes vous déjà demandé ce qu'aurait donné votre premier amour, si vous l'aviez continué?
Ce tout premier amour, même s'il n'a que peu duré, on s'en souvient en général toute sa vie... Avec tendresse, nostalgie, regrets, douleur même parfois, mais toujours avec l'émotion si vive que laissent les grandes découvertes.
Quelque soit la tournure qu'il ait pris, ce tout premier amour, à la sortie de l'enfance, reste pour toujours inscrit en nous, et continue de laisser ses traces sur notre avenir sentimental...
Cette "marque" indélébile est la trame de fond du doux roman "L'amour des grands" de Caroline Michel, que je viens de terminer et dont j'avais envie de vous parler, tant il a su me toucher.
Tout commence par un mariage, qui aurait pu être celui de l'héroïne, Emmanuelle, avec son premier amour, Vincent.
Mais ça ne l'est pas... Alors que tous imaginaient ces amoureux d'enfance finir un jour par se marier, c'est aujourd'hui leurs frère et sœur respectifs qui finissent par convoler.
Une union qui ravit Emmanuelle, autant qu'elle l'angoisse - car si elle se réjouit sincèrement du bonheur de sa sœur, elle appréhende aussi de retrouver Vincent à la cérémonie, après des années d'éloignement où chacun a continué sa vie, si loin et si proche en même temps...
Tandis que la fête bât son plein, Emmanuelle déroule ses souvenirs, de leur enfance dorée sur la "placette" du lotissement où ils ont grandi, aux choix qui ont conduit à leur rupture, dans leur transition vers l'âge adulte.
Comment Avril et Nicolas ont-ils réussi à faire perdurer leur premier amour, dans les mêmes conditions qu'eux, alors que Vincent et elle ont fini par s'éloigner avec les années?
"C'est con, quand même...", glisse Vincent entre deux coupes de champagne... De quoi réveiller en Emmanuelle un doute qui n'a jamais cessé d'exister : sont-ils passés à côté du destin qui les attendait? Qu'est ce qui a tout fait foirer, alors que chacun d'entre eux le voulait? Étaient-ils vraiment faits pour s'aimer, ou était-ce juste comme ça que ça devait se passer...?
Sous la plume fluide, drôle et très juste de Caroline Michel, j'ai beaucoup aimé suivre l'introspection d'Emmanuelle, et revenir avec elle sur son histoire passée avec Vincent.
Une réflexion fine et jamais mièvre sur la place que prennent nos premières amours dans notre construction d'adultes.
Qu'a t-on manqué, à ne pas les voir s'épanouir autant qu'on ne l'espérait? Nos sentiments était-il vraiment si forts qu'on le pensait alors, ou juste amplifiés par l'opportunité à notre portée? Doit-on regretter ce qu'on a fait ou pas, et refaire l'histoire, après?
Peut-être faut-il simplement admettre que ces premiers émois doivent juste servir de socle, sur lequel bâtir le reste de nos vies.
On se laisse embarquer par un récit parfaitement mené, voguant entre les beaux souvenirs d'une enfance dorée dans les années 80, ceux plus indécis de l'adolescence et de la transition vers l'âge adulte, et les drôles et jolis clichés d'une cérémonie de mariage pleine de promesses.
Chacun peut retrouver ça et là ses propres ressentis, et tour à tour s'énerver, rire, s'attendrir, ou s'émouvoir des réactions de l'héroïne, imparfaite mais attachante.
On retrouve dans son histoire une part de vécu un peu universel, et de nombreuses références clin d’œil qui laisseront un sourire à ceux qui ont grandi dans les années 80-90.
L'écriture est fraîche et légère, mais pas creuse pour autant ; et les personnages secondaires sont eux aussi bien brossés, apportant une vraie profondeur, de l'humour et de la vitalité au récit, dont on tourne les pages avec avidité.
Et pourtant, peu importe ce qui finira par se passer... On laisse Emmanuelle relier tranquillement son passé à ce qu'elle est, et on referme les pages avec beaucoup de tendresse pour le petit monde perdu de sa "placette".
"L'amour des grands" est un roman sensible et doux, empreint d'une nostalgie diffuse, mais pour autant plein d'optimisme...
La vie emporte parfois les sentiments, mais sait ouvrir d'autres chemins, dont on finit toujours par réaliser qu'il sont bien les siens.