Ma mastect-amie
Autant dissiper de suite tout malentendu, je n'ai pas pour habitude de parler autant de mes seins d'habitude! Mais ce que je vis en ce moment change clairement la donne^^
Je n'ai pas non plus l'intention de ne parler que de ça à l'avenir, rassurez-vous ; mais c'est pour l'heure le sujet qui occupe toute mon attention, alors, forcément... Et si ça peut aider à informer, à sensibiliser, ou à apporter mon témoignage à celles qui vivent la même chose - tant mieux.
Les derniers examens réalisés dans le cadre du suivi de mon cancer du sein se sont heureusement révélés "positifs", ou au moins, ne remettent pas en question le diagnostic qui m'a été fait jusqu'à présent.
Pas de métastases, pas de forme plus agressive - je peux donc désormais réellement commencer la bataille, en mettant en marche un traitement.
Celui-ci se fera en plusieurs temps, en débutant fort, directement par une mastectomie.
Dans mon cas, les tumeurs (car j'en ai plusieurs, à différents endroits dans le sein - ce qu'on appelle "multifocales") sont trop étendues pour que l'on puisse envisager de les réduire au préalable, ou de ne retirer qu'une part du sein.
Je vais donc subir une mastectomie, ainsi que le retrait de deux "ganglions sentinelles", qui sont les premiers placés sur la route d'une possible propagation de la maladie.
Si les conditions le permettent bien, cette mastectomie sera complétée d'une reconstruction "immédiate" (je laisse ici les guillemets, car elle se fera tout de même en plusieurs temps), avec la mise en place d'une prothèse temporaire.
Cette opération, réalisée sous anesthésie générale, permettra dans un premier temps de retirer les tumeurs "visibles" de mon corps.
Elle permettra aussi d'en limiter la propagation immédiate, et de réduire les risques postérieurs.
Pour ce faire, on va retirer mes tumeurs, mais aussi leurs alentours, c'est à dire toute la glande mammaire, afin d'assurer les meilleures chances d'avoir éliminé de mon corps toute lésion "suspecte".
Ces éléments, ainsi que les ganglions sentinelles, seront ensuite analysés en détail, pour y déceler - ou non, j'espère! - des traces qui n'auraient pas été visibles par les examens réalisés jusqu'à présent, et qui montreraient une propagation plus étendue que prévu.
En fonction de cette analyse, la suite du traitement sera confirmée, ou adaptée ; si tout se passe bien, elle devrait, dans mon cas, "uniquement" consister en une radiothérapie ciblée, puis de l'hormonothérapie. En l'état, à moins que les analyses ne le contredisent, une chimiothérapie ne semblerait pas nécessaire en ce qui me concerne (c'est déjà ça de pris).
J'ai encore du mal à réaliser réellement quoi attendre de ces thérapies lourdes et pénibles... Mais je vais bientôt le découvrir, puisque je me fais opérer... dès cette semaine.
A la faveur d'un planning libre, mon intervention a été planifiée en à peine une semaine : un délai très court, qui m'a laissée pour tout vous dire un peu le souffle court.
Une semaine pour réaliser que je vais perdre une partie de moi, que je vais devoir faire le deuil de mon sein, et que les choses deviennent enfin concrètes, d'un coup.
Une semaine, dans ce contexte, c'est très peu : un peu trop peu, psychologiquement ; mais en même temps, je préfère, au fond, que cela ne prenne justement pas trop de temps.
Car, que ce soit une semaine, deux ou trois, je n'ai pas d'autre choix : pour me soigner, je devrai en passer par là. Alors finalement, le plus vite est le mieux...
Déjà car ça signifie qu'on enlèvera plus vite cette saleté hors de moi, et que j'aurai "récupéré" d'autant plus vite, quand le gros du traitement sera fini. Et puis, aussi, car ça m'évitera de passer trop de temps à gamberger.
Car évidemment, cette opération me fait peur, pour tout ce qu'elle représente : l'anesthésie, la douleur, le changement physique, l'atteinte sur ma féminité et ma sexualité, le bouleversement de repères, la perte de mobilité, les nouvelles sensations...
J'ai beau "savoir" à quoi m'attendre, tant que je ne l'ai pas vécu, je ne peux pas l'appréhender.
Et je suis pour l'instant coincée dans une sorte d'entre-deux assez bizarre, et un peu irréel.
J'ai découvert ma maladie, je l'ai "acceptée" tant bien que mal, j'ai prévenu mes proches... Mais je n'ai toujours pas mal, et je me sens toujours la même, et toujours bien. Maintenant, j'attends.
Depuis ce week-end, je vis chacun de mes moments en me disant : "...c'est le dernier avant..." - et même si je sais qu'il y aura aussi plein de "c'est le premier...", après, la mélancolie ne fait que monter.
Mon cancer n'a pas encore réellement pris un tour concret, et avec cette opération, d'un coup, j'y viendrai.
Je m'attends à ce que le contrecoup soit rude, car tout d'un coup, cela va devenir tangible, réel, à ma portée.
Ce ne seront plus que des mots : mais enfin, réellement, des maux. Physiques comme moraux. J'ai beau me sentir forte et armée pour faire face à tout ça, du mieux que je peux, d'un coup je serai faible et diminuée, et ça sera pour moi très dur à encaisser.
Ce sein auquel je ne prêtait pas tellement attention, il n'existera plus. En tout cas plus comme il l'était : même s'il sera remodelé, tant bien que mal, il ne sera plus naturel, n'aura plus le même poids, la même forme, la même sensibilité.
Plus la même histoire, non plus. Mes seins, une des parties de moi que j'aimais bien, ont tour à tour ou tout ensemble symbolisé mon sentiment de féminité, une partie de ma sensualité et de mon attractivité, et ont surtout nourri mes 3 enfants, chaque fois de plus en plus longtemps. Je les en remercie.
Ce que l'on reconstruira, après ça, n'aura pas toute cette histoire là, qui fait partie de moi ; ou dans le meilleur des cas, le regagnera d'une façon différente, qu'il me restera encore à apprivoiser, tant physiquement que psychiquement.
Une mastectomie s'aborde avec un sentiment très différent d'une opération "classique", ou même purement esthétique.
Car ici, peu importent les désagréments, la douleur ou les cicatrices... En fait, je n'ai pas le choix.
Je ne le fais certes pas vraiment "de mon plein gré" ; mais je le fais avec résignation et reconnaissance, car ce "sacrifice" va participer à me sauver. Je n'oublie pas qu'aussi difficile qu'elle soit, cette mastectomie est en fait une "mastec-amie" - car elle joue pour moi, et va m'aider.
En éliminant mes tumeurs aujourd'hui, et en les empêchant autant que possible de revenir, ensuite, se développer de nouveau. Mon sein ne sera certes plus aussi doux et moelleux ; mais si ça dissuade justement le cancer de revenir y prendre ses aises, ça reste un moindre prix à payer.
Alors, même si bien sûr j'appréhende le moment où ce sera fait, où je verrai le pansement, les drains, puis mon sein tuméfié, la cicatrice et ce nouveau corps étranger, je m'y ferai. Ça prendra bien plus qu'une petite semaine - bien plus, je le sais. Mais je m'y ferai. A mon rythme, avec émotion et évidemment, et quand même des regrets ; mais je m'y ferai.
Et je ferai mienne cette nouvelle histoire, enrichie de l'épreuve, et de la nouvelle force désormais en mon sein - peut-être différent, mais toujours là, vaillant.