Pourquoi raconter son accouchement?
Quelque soit la façon dont il se déroule, un accouchement est une expérience de vie inoubliable.
Beaucoup d'entre nous considérons d'ailleurs un peu nos accouchements comme notre "guerre du Viet-Nam" à nous! Un acte héroïque, l'étape finale d'une grossesse qui représente déjà, en elle-même, un sacrifice total de notre corps.
Accoucher, c'est ce feu d'artifice final, qui nous fait passer en un instant de notre statut de femme, que l'on maîtrise tant bien que mal, à celui de mère, qui nous est alors encore inconnu.
Que se soit sur un plan purement physique, comme émotionnel, il est incontestable qu'un accouchement est pour toutes un moment extrêmement marquant. Beaucoup le vivent dans la quiétude, bien d'autres plus difficilement ; dans tous les cas, il reste forcément un moment inoubliable qui nous marque à jamais.
Je ne connais pas une maman qui n'ait pas, à un moment ou à un autre, raconté son accouchement - que ce soit en privé, à sa famille ou à ses ami(e)s, ou publiquement, comme en témoignent les innombrables récits d'accouchements sur le net.
Pourquoi l'immense majorité d'entre nous ressent ce besoin de partager, de raconter comment ce moment pourtant si personnel, s'est déroulé pour elle?
Il n'est pourtant rien de plus intime qu'un accouchement - que ce soit par ce qu'il implique (faire passer un bébé, je ne vous apprend rien!), comme par ce qu'il représente (la venue au monde de l'innocence la plus pure, et la concrétisation d'un lien unique, et magique, entre un enfant et ses parents).
Mais que l'on rentre dans les détails, ou qu'on reste évasive, on a toutes je crois envie, ou même parfois besoin, de le raconter au moins en partie, à un moment ou à un autre.
Nous avons la prétention de croire que la façon dont nous l'avons vécu doit être racontée, pour aider, pour extérioriser, ou peut-être aussi, pour être reconnues.
Pourtant, il y a autant d'accouchements qu'il y a de mères et d'enfants, que ce soit à cause de l'environnement, de nos sensations, ou de nos émotions, différents pour chacune d'entre nous.
Nous n'avons pas le savoir universel, juste parce que nous sommes déjà passées par là! Alors pourquoi cette envie si fréquente de partager nos accouchements, ou de nous intéresser de près à celui des autres?
J'y vois avant tout une transmission de "savoir" - un besoin primal de prévenir, de rassurer celles qui n'ont pas encore vécu ce moment.
Avant d'affronter une situation inconnue, nous avons toutes ce même réflexe de prendre exemple sur nos aînés, de bénéficier de leur expérience.
Maintenant qu'on a passé le cap, on cherche sans doute à perpétuer une transmission orale ancestrale, en relatant à notre tour ce qu'on a reçu nous-mêmes, pour ne pas rompre une grande chaîne de tradition et d'entraide féminine.
On cherche à expliquer aux autres femmes à quoi s'attendre, pour essayer d'atténuer leur peur. On ne raconte d'ailleurs pas forcément les choses de la même manière à une femme qui n'a encore jamais accouché (qui aura droit à une version "édulcorée" et rassurante) ou à une femme qui l'a déjà vécu (avec qui on partagera plus volontiers les détails sans craindre de l'effrayer).
Parfois aussi, raconter c'est extérioriser, se réapproprier un moment qu'on a le sentiment de n'avoir pas maîtrisé.
On passe tellement de temps à imaginer la rencontre avec notre enfant, à l'idéaliser, que lorsque tout ne se passe pas comme prévu, et que l'on vit un accouchement difficile, on peut se sentir dépossédées de ce moment.
Un accouchement "normal" représente déjà un changement de vie tellement brutal...lorsqu'il se passe mal, pas étonnant qu'il puisse carrément traumatiser, et qu'on ait besoin d'en parler.
Décrire ce que l'on a traversé peut alors aider à passer au delà des douleurs ou des complications, pour réécrire ce moment qui ne s'est pas passé comme nous l'imaginions. Mettre des mots sur ce qu'on a vécu, prendre le temps d’y revenir, permet alors d'assimiler ce qui nous est arrivé, de se réapproprier son accouchement.
Mais raconter son accouchement, c'est surtout une fierté - un rite de passage, pour officialiser notre nouveau statut de mère.
Raconter notre accouchement permet d'ouvrir un nouveau chapitre, de clamer haut et fort qu'on est passées de l'autre côté de la barrière. On est devenue mères, et prêtes à exister en tant que telle. Et on veut crier sur les toits notre nouvelle appartenance!
D'ailleurs en général, on aime aussi savoir comment nos proches ont elles-mêmes vécu ce moment, partager nos expériences, comparer parfois. Et beaucoup aiment aussi lire les récits détaillés d'accouchements des nombreuses blogueuses qui décrivent comment ce moment c'est passé pour elles.
Pour ma part, je ne suis pas forcément friande des récits d'accouchements sur Internet.
Je ne juge absolument pas celles qui le racontent sur leur blog ou des forums - ça ne me choque pas, et il m'arrive quand même parfois d'en lire quelques uns. Mais ces récits ne me touchent que lorsqu'ils sont écrits par des blogueuses dont j'aime vraiment la plume, et auxquelles je suis attachée. Celles aussi où je sais que le récit ne sera pas trop factuel, mais plus basé sur l'émotionnel et le ressenti.
Je ne pense d'ailleurs pas vous raconter ici mes accouchements dans le détail - je le ferai très certainement, dans les grandes lignes, pour parler d'un aspect particulier (la péridurale par exemple, car j'ai vécu avec ou sans), mais je pense pas raconter tout ce qui s'est passé étape par étape.
Déjà car c'est une part de moi que je considère intime ; et aussi parce que je n'ai pas envie de décortiquer ce moment qui reste beaucoup de l'ordre des sensations, du ressenti intérieur.
J'ai quand même écrit le déroulement précis de mes accouchements, pour en garder une trace...
Mais ce sera pour le transmettre un jour à mes filles, et perpétrer moi-même cette belle tradition ancestrale.