Faut-il plus parler des difficultés du post partum?

Publié le par Picou

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Ces derniers jours, le hashtag #MonPostPartum fait le buzz sur la toile, et plus particulièrement sur Twitter où les témoignages de mamans se multiplient.

A l'origine de ce hashtag décrivant la réalité des difficultés post-accouchement, il y a la censure faite à un spot de pub américain pour un produit d'hygiène post-partum, lors de la cérémonie des Oscars. Ce dernier mettait en images la réalité crue de ce que vit une jeune mère les premiers jours après la naissance d'un enfant.

Rien de très offensant, en fait - juste les images d'une jeune accouchée, que l'on voit se lever péniblement, réveillée par les pleurs de son nouveau-né, puis se rendre aux toilettes et y appliquer ses soins post-partum, semble-t-il assez douloureusement.

Aucune image de sang, rien de gore, vraiment - juste une évocation réaliste de ce que vivent toutes les jeunes mères dans les jours qui suivent leur accouchement.

"Trop cru", pourtant, pour les instances américaines - le spot s'est vu purement et simplement refusé. Une décision arbitraire qui a choqué, et déclenché une vague de contestation parmi des figures féministes, révoltées que le vécu de tant de femmes soit ainsi ignoré et renié.

Une indignation vite reprise massivement par des milliers de femmes "lambda", qui se sont mises à décrire sur les réseaux sociaux leurs propres difficultés, sous un hashtag dédié.

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Si le mouvement a pris si rapidement une telle ampleur, c'est car cette censure est très révélatrice d'un tabou extrêmement pesant autour du post-partum.

Si la réalité de l'accouchement est déjà en elle-même relativement passée sous silence, et majoritairement transmise de femmes en femmes sur le ton de la confidence, comme un secret d'initiées, le sujet des difficultés du post-partum semble être, lui, un véritable trou noir

La plupart des femmes elles-mêmes ne sont pas du tout ou mal informées sur le sujet avant de mettre au monde leur premier enfant... Et les informations sur les suites de couche sont si rares et si partielles qu'il leur faut souvent se renseigner par elles-mêmes, sans compter sur aucune communication officielle ou même médicale en amont.

Une véritable omerta, qui engendre des situations extrêmement difficiles pour des millions de jeunes mamans, qui se retrouvent désemparées après la naissance de leur enfant.

On leur a vendu le "plus merveilleux bonheur" de leur vie ; et si on les a en général prévenues de la fatigue et des pleurs fréquents d'un nouveau-né, on ne leur a rien dit du reste - alors elles tombent de haut.

D'un coup, elles se retrouvent confrontées, au mieux, à l'inconfort des pertes de sang massives dues aux lochies, à la douleur des tranchées dues aux contractions de l'utérus ou de la montée de lait, mais aussi à une chute d'hormones, aux doutes, et à la solitude due à l'attention qui se détourne d'un coup d'elles vers leur enfant.

C'est déjà dur ; mais dans le pire des cas, elles auront en plus à faire face en 'bonus' à des gestes médicaux douloureux comme les révisions utérines (et parfois même à des violences obstétricales), à la cicatrisation difficile d'épisiotomies, de déchirures, ou de césariennes, et/ou à des difficultés d'attachement pouvant favoriser un baby-blues, ou même carrément une véritable dépression post-partum.

Tout ça en devant mettre un temps leur pudeur au placard, et en ayant à faire un tri difficile entre mille conseils et jugements contradictoires qu'elles n'ont pas forcément sollicités.

Bref - l'après l'accouchement n'est pas aussi idyllique que ce que la société veut bien laisser paraître, surtout quand tous ces désagréments arrivent comme une surprise.

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Lassées de voir cette réalité minimisée, les femmes ont donc été nombreuses à témoigner des difficultés auxquelles elles ont du faire face, sur le #MonPostPartum.

Une volonté farouche de libérer la parole, et de s'éloigner de l'image trop idéalisée de la naissance, qui se concentre uniquement sur le "plus merveilleux moment d'une vie", au mépris d'une réalité parfois moins joyeuse.

Car il est vrai que la période du post-partum est un sujet pour le moins obscur, du fait d'une société traditionnellement patriarcale, où l'on attend d'une femme qu'elle ne se montre que sous son meilleur jour.

Après l'accouchement, tous les regards se portent immédiatement sur l'enfant : la mère, elle, doit s'effacer, se taire et endurer en silence. Personne ne s'intéresse aux difficultés qu'elle rencontre, d'autant plus qu'elles ne sont franchement pas glamour ; c'est une affaire de femmes, et ça doit le rester...

Et les mamans elles-mêmes ont fini par prendre le pli de cette "discrétion", gardant souvent pour elles ce vécu intime parfois humiliant et douloureux.

C'est vrai qu'en général, on a pas tellement envie de s'étendre sur cette période où l'on n'est pas vraiment au meilleur de sa forme... Les mères elles-mêmes ont leur part de responsabilité là dedans ; car  à force de trop taire cette vérité, les femmes elles-mêmes finissent par l'ignorer.

Un constat amer, qui amène aujourd'hui des milliers d'entre elles à se rebeller contre cet état de fait, et à briser le mythe par leur retour d'expérience.

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Un bel élan de sororité, pour montrer aux mères qui souffrent après avoir mis au monde leur enfant qu'elles sont loin d'être seules dans ce cas, et qu'elles s'en relèveront.

En criant sur les toits qu'une naissance ce n'est pas forcément QUE tout rose, elles cherchent en fait avant tout à rassurer. L'idée est de mettre en lumière ce que vivent des millions de femmes, pour que cette réalité soit enfin considérée comme il se doit et banalisée,  brisant un tabou inutile pour offrir une meilleure information.

La déferlante de témoignages montre d'ailleurs clairement qu'il y a un réel besoin des femmes de sentir leur détresse reconnue... Mais pour autant, elle finit par prendre une ampleur qui peut aussi paraître démesurée, ou en tout cas, parfois un peu hors sujet.

Car au fil des témoignages, le hashtag semble d'être peu à peu transformé en une compétition des pires expériences de suites de couches. Une surenchère involontaire, qui finit presque par faire plus peur qu'autre chose, et à avoir l'effet inverse de celui recherché au départ.

De nombreuses femmes enceintes ou nullipares, effrayées par ce qu'elles ont lu, se déclarent maintenant carrément refroidies à l'idée de donner la vie à leur tour, ne retenant que les difficultés, sans les contrebalancer avec ce qu'une naissance a aussi de - réellement - merveilleux. Un peu dommage...

Si les témoignages les plus durs sont bien sûr eux aussi légitimes et importants, ils relèvent tout de même de complications rares, qu'il n'y a pas lieu d'ériger en vérités universelles.

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Une écrasante majorité de femmes n'y seront en fait jamais confrontées ; mais les codes des réseaux sociaux ne permettent pas toujours de prendre ce recul sur l'information reçue.

Alors faut-il vraiment accorder autant de visibilité à ce sujet, et notamment aux témoignages les plus impressionnants? Sans nier le fait que les situations les plus complexes méritent aussi d'être connues, et que la souffrance qu'elles engendrent doit être impérativement respectée et prise en compte - doit-t-on pour autant les présenter à une échelle si large?

On ne peut pas réellement blâmer le fait que toutes les complications possibles ne soient pas systématiquement décrites à chaque femme dans le détail, alors qu'elles n'en feront probablement pas l'expérience. Et mettre les cas particuliers au même niveau que les suites de couche "classiques" prend le risque de brouiller le message.

L'effet de masse donne en effet à voir d'un coup une foule d'informations habituellement tenues confidentielles ; de quoi faire un peu peur, si l'on y est pas prête, et qu'on ne sait pas faire le tri...

Malgré leur intérêt pourtant louable, les publications de ce hashtag laissent donc à certaines un goût un peu amer, au final presque contre-productif.

D'autant que certains s'engouffrent dans la brèche pour enfoncer le clou de la culpabilisation des mamans, en ne voyant que plaintes et manque de pudeur, là où l'objectif était plutôt d'informer sans fards.

D'autres objectent que de toute façon, cet étalage de témoignages restera quasi exclusivement lu par des femmes, et qu'il ne permettra donc pas d'ouvrir réellement le sujet à la sphère publique, à large échelle, pour un impact réel.

Et c'est sûr - s'il est grisant de voir les langues se délier, il ne faut peut-être pas croire non plus que cela fera directement bouger les choses d'un coup de baguette magique...

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Pour autant, il me semble que cette prise de parole massive, même si elle est parfois maladroite, ne peut être que bénéfique.

Car il est important de libérer la parole des femmes (et des hommes aussi!) autour du sujet, pour arrêter d'invisibiliser un pan entier de la maternité, certes temporaire, mais dont l'impact peut se prolonger chez les mères très longtemps après la naissance, autant physiquement que psychologiquement.

Il est salutaire d'informer plus largement, et plus en détails, sur les aspects incontournables d'une période post-partum, et sur les difficultés qu'ils représentent - pour qu'ils soient considérés et valorisés, plutôt que minimisés et tus.

Après la naissance, tant de femmes ont l'impression de ne pas avoir le droit de se plaindre, et de mal s'y prendre, alors que ce qu'elles vivent est juste normal, et effectivement difficile! Ne serait-ce que pour qu'elles puissent se sentir soutenues, et pour que ça permette à certains de comprendre que congé maternité ne veut pas dire "vacances", alors, en parler plus vaut le coup.

Même si le hashtag #MonPostPartum ne suffira pas, à lui seul, à changer la donne du jour au lendemain - on ne se défera pas aussi facilement de tant de siècles d'une culture du silence -  il a tout de même le mérite d'attirer les media à ramener plus ouvertement le sujet dans la sphère publique. 

Même si ce n'est pas dans le détail, aborder ce sujet qui "tâche" (littéralement parlant^^), c'est toujours une reconnaissance de ce que les femmes doivent être écoutées et épaulées dans cette transition si délicate qu'est le post-partum.

Et si c'est ce qui empêchera un jour à nos filles de se sentir perdues ou honteuses de ce qui n'est que leur nature, sur cette période où l'on est particulièrement fragiles, alors tant mieux!

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Publié dans Maternité-grossesse

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