Faut-il toujours donner notre avis aux mères?
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Depuis quelques jours, j'ai pu apercevoir de loin, sur certains des comptes instagram auxquels je suis abonnée, une guerre ouverte monter entre deux "clans" de mamans.
Je ne nommerai pas directement ces comptes, parce que peu importent leurs noms, au final - ce sont surtout les "courants" opposés qu'ils représentent, qui attirent l'attention et reviennent encore une fois au premier plan, pour s'affronter à coups bas, au travers de leurs plus fidèles partisans.
D'un côté, les chantres d'une éducation bienveillante à l'extrême, qui suivent à la lettre et défendent becs et ongles des préceptes éducatifs d'une manière parfois limite sectaire ; de l'autre, d'anciennes "adeptes", qui ont failli se perdre au fil de ces injonctions perpétuelles, mais qui prônent aujourd'hui la nuance et le recul qu'elles n'ont pas eus à l'époque, pour une prise de distance avec ces théories dogmatiques.
Mamans "bienveillantes" vs "décomplexées" : les deux écoles s'opposent, et se jugent même, depuis bien des années. Rien de nouveau sous le soleil...
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Si ce n'est que l'on passe peu à peu d'un débat d'idées, à de vraies attaques ciblées, aux pratiques de plus en plus douteuses.
Manipulation, intimidation, harcèlement et même menaces, il semble qu'aujourd'hui, des bien-pensants essayent de mettre de l'huile sur le feu en montant les instamums les unes contre les autres, comme si le sujet méritait ces réactions aussi disproportionnées que malsaines.
J'avoue ne pas être allée fouiller en profondeur de quoi il s'agissait - car si les réseaux sociaux donnent une résonance au phénomène, je crois qu'il ne reste qu'une goutte d'eau, sorti de ce microcosme... Tout cela ne reste probablement qu'une petite "gueguerre" de pouvoir sur instagram, dont je n'ai pas vraiment envie de connaître les ressorts et les aboutissants.
Mais à voir l'emballement monter petit à petit autour de cette histoire, je m'interroge. A quel moment a-t-on commencé à créer de véritables "clans" de mamans, et à leur accorder autant d'importance?
En grandissant en tant que mère, et même parfois carrément avant la naissance de nos enfants, on cherche déjà à se ranger du côté de certains modèles parentaux plutôt que d'autres. Comme pour être adoubés de ses représentants, auxquels on s'identifie et qu'on admire...
Mais pourquoi nous catégoriser nous-mêmes dans un type précis de mères, et ensuite finir par croire, peu à peu, que certains types valent mieux que d'autres?
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A quel moment l'avis [la vie?] des autres a pris le pas sur notre simple instinct personnel, pour qu'on finisse par croire qu'ils sont peut-être plus ou moins aptes que nous?
Je crois avoir la réponse, en fait - et cela date bien sûr de l'expansion des réseaux sociaux, et de l'uniformisation qu'elle a entrainé.
L'omniprésence du même modèle maternel - celui le plus en vogue actuellement, qualifié de "bienveillant", "maternant", ou encore "positif" - en a peu à peu fait la norme, en lui conférant un côté dogmatique.
A tel point qu'il est devenu délicat, à un moment, d'oser le remettre en question, de le nuancer, ou même d'y opposer carrément des arguments contraires. La moindre objection publique attire inévitablement remarques et jugements, et l'on a vite l'impression qu'on vient nous faire la morale, à coup des conseils insistants (souvent non sollicités) pour nous remettre dans le bon chemin.
Beaucoup des mamans que je suis sur Instagram en ont fait les frais, et s'énervent de recevoir sans cesse des conseils quand elles n'en demandent pas, ou de ne pas toujours pouvoir s'exprimer librement de peur de recevoir, inévitablement, des remarques. Résultat, elles finissent par s'effacer en silence.
Du coup ce sont - comme toujours - les partis les plus extrêmes que l'on finit par entendre le plus...
D'un côté les convaincues d'une bienveillance naïve ou extrême, aux accents parfois limite sectaires ; de l'autre, ses opposantes farouches, qui s'instaurent en sauveuses, en en dénonçant les risques et les dérives.
Et au milieu, toutes les mères "lambda", qui sont pourtant les plus nombreuses, voguent entre les deux rives et comptant les points de loin.
Face à ces discours revendicateurs dominants, elles sont sans doute plus nombreuses à se retrouver perdues et pressurisées, qu'éclairées et décomplexées... Une situation dont profitent largement les coachs ou pseudos-spécialistes d'un business parental pas toujours très clean.
Comment arriver à construire sa propre vision de la maternité, sereinement, et à l'assumer, si l'on a que ces 2 modèles vers lesquels se positionner? Et qu'en plus qu'il y a sans cesse quelqu'un pour rajouter par dessus ses conseils plus ou moins avisés? Quoi qu'on fasse, on finit par croire qu'on ne fait pas ce qu'il faut - en étant trop ceci pour les uns, pas assez cela pour les autres.
Il y a pourtant d'infinies nuances dans la maternité... Autant que de femmes, de couples, d'environnements, d'enfants, de moments. Rien n'est ni noir, ni blanc ; personne ne peut prétendre à une vérité universelle.
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Mais chaque mère voudrait que son interprétation soit la bonne, et pour s'en convaincre et se rassurer, cherche à l'imposer aux autres, de manière plus ou plus consciente.
Pour la plupart, ça passe juste par un simple échange ou partage de leur expérience, de leurs ressentis, de leurs réflexions. Pour d'autres, ça prendra la tournure de conseils plus poussés ; et pour certaines enfin, ça vire carrément au prosélytisme engagé.
Jusqu'où alors pousser la limite? S'agit-il d'aider les autres, ou de les convaincre, voire même, sans qu'on s'en rende forcément compte, de les enfoncer? A partir de quels moment nos simples conseils de mamans peuvent devenir de vraies injonctions aux accents autoritaires?
Quand ils finissent noyés dans une masse informe, sans doute - celle des réseaux sociaux, qui finissent par effacer les aspérités au profit de torrents d'images idylliques, de formulations séduisantes ou d'avis personnels érigés en vérités universelles.
Individuellement, personne n'a l'impression d'en faire trop... mais collectivement, j'ai peur que ça fasse un carnage.
En laissant trop peu d'espace aux tâtonnements et à un cheminement personnel qui ne soit pas directement orienté.
Autant il est facile de garder de la distance face à un avis ciblé, isolé ; autant notre assurance et nos certitudes vacillent face à d'innombrables témoignages qui vont tous dans le même sens.
Et c'est là le danger du biais d'information propre aux réseaux sociaux, qui nous proposent toujours le même type de contenus : on ne voit plus que de l'information à sens unique. Si tout le monde le dit... c'est donc que c'est ça la vraie vie et la bonne façon de faire, non?
Et bien non - évidemment, ce n'est pas si simple que ça.
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Mais il est plus facile de se laisser porter par la vague, plutôt que de la contourner.
Sans vouloir dire ici qu'un des "camps" ait plus raison que l'autre... Car chacun a raison.
Les mères chez qui la bienveillance fonctionne à bloc, sans qu'elles ne s'y perdent, et qui s'y épanouissent autant que leurs enfants - tant mieux pour elles. Celles qui se sentent plus à l'aise avec d'autres méthodes, plus souples, ou au contraire plus strictes, moins "maternantes", peut-être, mais tout aussi aimantes, tant mieux pour elles aussi.
Au final : c'est à chacun de s'occuper des enfants dont il a la garde, à la façon qui LUI convient, et d'en assumer les conséquences - pas aux autres... Alors pourquoi s'en mêler?
Ne peut-on pas plutôt laisser les mères vivre leur maternité comme elles le veulent, et surtout comme elles le peuvent, plutôt que de croire que notre façon de faire est meilleure et de vouloir l'imposer aux autres? Ne peut-on pas leur laisser le droit au doute, aux erreurs, le droit d'évoluer, de changer d'avis... mais par elles-mêmes?
Cessons de donner sans cesse des avis et des conseils aux mères, quand personne ne nous le demande. Réservons nos conseils aux mères vraiment en recherche, comme des perches tendues, mais sans jugement ni prosélytisme.
Tant qu'on est pas témoin de maltraitances, on a pas son mot à dire, en fait ; et s'il y a vraiment un problème, c'est de l'avis d'experts et de professionnels dont on aura besoin- pas de celui de Mme Michu-justicière-des-internets.
Quelque soit notre "clan", ou même si, comme la plupart des mères, on n'en a justement pas, on est toutes de bonnes mères.
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Différentes, multiples, variables, perfectibles, sans doute, mais toutes valables.
Pourtant, aujourd'hui, on pourrait croire qu'il existe un bon modèle à suivre. Une toute jeune maman primipare pourra facilement imaginer que pour élever au mieux son enfant, il FAUT le materner, le porter, lui faire tester la DME, lui proposer sans cesse plein d'activités, etc.
Mais ce ne sont que des options parmi d'autres... Qui ne conviennent pas à toutes les mères, ni à tous les enfants (et ni à tous les pères, non plus - on les oublie aussi bien souvent dans l'histoire).
Ce n'est pas parce qu'on a coché toutes les cases de la liste, qu'on aura mieux fait que les autres, et que nos enfants et nous-mêmes seront plus heureux. Ni, dans l'autre sens, parce qu'on a pas appliqué tous les préceptes à la mode, qu'on a échoué ou offert moins d'amour à nos enfants. Je doute pourtant qu'aujourd'hui une nouvelle mère ait directement ce ressenti et ce recul, face au poids qu'ont pris les injonctions éducatives.
Arrêtons d'essayer de tout cadrer, de tout organiser, de tout intellectualiser... Peu importe la méthode - c'est l'amour qui compte.
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Laissons la place aux approximations et aux tâtonnements, qui sont bien naturels quand on est maman.
A chacune de faire sa popotte au jour le jour, de chercher de l'aide si elle en ressent le besoin, mais sans qu'on lui trace un chemin à suivre ou qu'on remette en cause ses choix.
Depuis que j'écris sur la maternité, j'essaye de veiller à aborder le sujet de façon générale, sans partager mon point de vue personnel sur tel ou tel sujet d'éducation. Bien sûr, sur la plupart de ces sujets, j'ai un avis plutôt tranché : mais pour moi, il est important de ne chercher à influencer personne, car je n'en vois pas l'intérêt. Ça ne me fera en rien mieux vivre ma propre maternité - et c'est surtout celle là qui m'importe.
Je préfère aborder ces sujets sous le prisme d'une réflexion commune, globale. Je n'ai personne à persuader : si vous n'êtes pas du même avis que le mien, ça ne me gêne pas ; au contraire - ça m'ouvre parfois l'esprit.
Par contre, les réflexions acerbes, butées, ou les arguments bateaux recrachés mot pour mot dans l'objectif de me convaincre me crispent - car j'y vois une tentative de manipulation.
Et si j'apprécie l'échange, la discussion, le partage, je n'aime pas qu'on essaye de me forcer la main, ou de me culpabiliser.
Il ne sert à rien de s'invectiver sur les réseaux, et de sous-entendre que nos choix éducatifs ne sont pas bons, ou peuvent causer notre perte, ou celle de nos enfants.
Nous sommes assez grandes pour y réfléchir par nous nous-mêmes - si ce n'est pas tout de suite, ce sera peut être plus tard, ou même pas du tout ; parce nos choix nous conviendront à nous, même s'ils ne conviennent pas aux autres.
Les conseils peuvent être précieux, tant ils nous aident à sentir que nous ne sommes pas seules face aux difficultés de la maternité, et qu'il y aura toujours quelqu'un de prêt à nous aider ou à soulager nos angoisses.
Mais sachons préserver leur valeur, en les réservant aux vrais cas où ils sont nécessaires, quand ils sont sollicités, et apportés sans pression, et sans vouloir imposer son opinion.
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