Confinés-serrés

Publié le par Picou

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1 mois déjà, et si l'on en croit les dernières nouvelles - ce que j'ai un peu de mal à faire - nous en sommes maintenant à un peu plus de la moitié du confinement généralisé.

L'occasion de faire un petit point-étape, pour garder trace ici de cette période inédite... Ça va, on est pas encore devenus fous, mais comme chez tout le monde je crois, ici, on traverse sans cesse des hauts et des bas.

Pour être honnête, nous avons globalement plus de hauts que de bas - le temps allant, on a trouvé notre petite routine, pas forcément passionnante tous les jours, mais pas non plus si différente de notre "avant". Nos repères sont certes un peu brouillés ; mais on ne les a pas perdus.

Nous avons la chance de faire partie de ceux qui ne sont, au fond, pas trop affectés: chéri peut continuer à travailler, sans prendre de risques inconsidérés ; je peux plus que jamais profiter de mes filles, qui gèrent plutôt bien l'enfermement ; nos proches sont loin, mais ils vont bien ; et surtout, au sein de notre propre foyer, hormis les énervements normaux, dus à notre proximité perpétuelle, nous nous entendons bien.

A part un certain nombre de projets tombés à l'eau, mais que nous saurons j'en suis sûre rattraper plus tard d'une manière ou d'une autre, le confinement ne nous a rien "coûté", ni matériellement ni psychologiquement.

C'est un confort - et même un privilège - que je n'oublie jamais, quand je constate combien la situation peut se révéler bien plus dure pour beaucoup.

Bien sûr, quand je vois les images de ces jardins baignés de soleil, de toutes ces activités ludo-éducatives géniales pour lesquelles il faut le matériel que je n'ai pas, et de tout ce temps libre dont certaines profitent pour faire du tri, du yoga ou des jeux vidéo, j'ai parfois un petit pincement au coeur... Mais ce n'est vraiment qu'accessoire, et ça ne me pèse pas.

Certains jours on s'en fout de l'espace, et on se réjouit d'être tous ensemble, tout "confinés-serrés" dans notre petit terrier ; d'autres, on en peut justement plus, d'être tout le temps collés, sans pouvoir s'échapper. C'est plutôt là que ce situe pour moi la plus grande difficulté.

Avec l'enfermement, nos sentiments sont exacerbés : les joies sont décuplées, les crises amplifiées, et angoisses et doutes semblent parfois sans fond...

Cet ascenseur émotionnel permanent, en plus du surmenage à vouloir tout gérer, est à la longue vraiment usant. Parce que nous n'avons plus tous ces moments "soupape" dont nous profitons habituellement, pour faire descendre la pression.

Dans notre volonté de préserver le meilleur climat dans notre foyer, on cherche à donner sans arrêt le meilleur de nous-mêmes.

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Nous sommes ensemble tout le temps, bon gré mal gré ; et si c'est pesant, c'est aussi rassurant : on compte les uns sur les autres encore plus qu'avant.

Confinés, on se rapproche dans tous les sens du terme, et on prend enfin vraiment le temps. Pour s'assurer que notre quotidien soit aussi agréable que possible, on multiplie les attentions, et on fait des efforts, tout le temps.

Nos enfants, ravis de nous avoir sans arrêt auprès d'eux, veulent profiter de chaque instant ; et nous sommes souvent plus enclins à leur accorder notre temps. Là où on pensait devoir plus recourir aux écrans, on se surprend à les allumer encore moins qu'avant ; pour qu'ils ne ressentent pas de manque, on sait se montrer plus présents et plus impliqués que jamais.

On compense un peu tout ce qu'on loupe, dehors, en le recréant chez nous : petits plaisirs, bons repas, écoute attentive et flexibilité, on donne tout pour que notre cocon soit si doux, qu'il puisse nous préserver de tout. Puisque notre monde se limite désormais à nos murs, nous faisons en sorte qu'entre eux, on se sente vraiment bien.

Ensemble, liés, on fait un tout ; mais cette belle unité nous met aussi à bout...

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Parce qu'elle demande des efforts constants, et une maîtrise de soi qu'on ne peut pas maintenir éternellement.

Quand quelque chose ne va pas, on essaye de le contenir au maximum : on prend sur soi, on encaisse, en silence, pour le bien commun. Petit à petit les frustrations s'accumulent, les renoncements se multiplient, les (re)sentiments s'amplifient... jusqu'à ce que la coupe soit pleine.

Et sans qu'on ne voit rien venir, lors d'une journée pourtant pareille à celles d'avant, d'un coup toutes nos pensées, nos gestes, nos paroles se mettent à hurler d'un coup notre besoin d'un peu de solitude.

La semaine dernière, j'ai ainsi senti que je touchais du doigt mes limites. Ce n'était ni pire, ni mieux que le jour d'avant ; pourtant je me suis sentie intérieurement craquer. J'avais besoin de me laisser aller à souffler, à baisser les bras, à en avoir marre, à avoir peur, même, peut-être. Juste besoin de me poser, là, sans rien faire, sans penser, sans anticiper.

Des semaines que je donnais de moi, et que je prenais sur moi ; mais là je n'arrivais plus, justement, qu'à penser à moi. Sans bébé dans les bras, sans "mamaaaan?!" derrière moi, sans qu'on compte encore et sans arrêt sur moi. Un besoin urgent de me mettre sur pause, au moins un moment.

Je suis aller me pencher à la fenêtre, j'ai laissé mon esprit crier, et essuyé la larme qui coulait sur ma joue. Puis j'ai pris une bonne goulée d'air frais, avant de replonger.

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La crise était passée, cette fois-ci contenue ; jusqu'à celle d'après... Mais il y en aura d'autres, peut-être même plus fortes, tant que je ne pourrai pas, littéralement, extérioriser.

Je sais pourtant bien que je peux, et même que je dois, m'autoriser à craquer - et si je suis d'ailleurs la première à penser qu'il s'agit d'un message important à faire passer à nos enfants, dans le contexte actuel, je n'ai pas trop envie de le leur imposer.

Dans ce confinement, nous sommes tous bousculés. On a pas d'autre choix que de faire avec, et d'arranger au mieux notre nouvelle réalité - même craquer ne la fera pas changer. J'ai peur que si moi je sombre, eux aussi ne commencent à flancher ; et là, je ne serais plus sûre d'arriver à gérer.

Alors, hauts les cœurs ; je laisse aller un bon coup, je me reprends et puis j'avance. Entre quatre murs, entre quatre êtres, mais j'avance, dans toute la place que ça me laisse. A moi de me faire un peu plus d'espace, fût-il seulement dans mes pensées. J'y arriverai.

Tous ces petits moments si ordinaires que nous vivons chaque jour, prennent avec la situation un tour si extraordinaire...

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Le rien devient inoubliable, et tout ce qu'on gardera de cette période sera ce qu'on aurait en d'autres temps effacé de nos mémoires, le jugeant peu digne d'intérêt.

Loin des clichés exotiques, nos photos de cette période pourtant si folle, seront celles où l'on traîne en pyjama, sans maquillage et cheveux emmêlés... Et les souvenirs qu'on gardera seront ceux de nos pains montés au levain, des dés que l'on fait tourner, de nos jambes levées dans la position du guerrier, des écrans partagés pour trinquer, et des cahiers chaque jour griffonnés.

De nouvelles habitudes, auxquelles on se raccroche pour recréer notre normalité. Une ambiance à part, où chacun doit trouver ses propres marques et sa propre organisation... Pas celle du voisin, pas celle qui "fait bien" - mais vraiment celle qui, d'elle-même, s'impose à nous. Sans injonctions, et sans obligations.

Il y a autant de façons de vivre ce confinement que de foyers... Nous avons tous une famille, un logement, un travail, des caractères différents ; notre état d'esprit et notre tolérance à l'angoisse ne sont pas les mêmes, nos facteurs de risques sont plus ou moins forts, nos proches plus ou moins exposés ou affectés...

Se comparer les uns les autres n'a au fond aucun sens. On trouvera toujours quelqu'un qui a plus à se plaindre que nous, mais ça ne nous empêche pas d'avoir quand même le droit de râler ; et on trouvera toujours aussi quelqu'un qui s'en sort moins bien que nous, sans qu'on ait pour autant droit à le fustiger.

J'ai d'ailleurs de plus en plus de mal à supporter le climat de jugement perpétuel dans lequel on baigne ces derniers temps.

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C'est sûr, certains jouent trop avec les règles du confinement... Mais afficher le moindre manquement sur les réseaux sociaux ne les fera malheureusement pas changer! 

Montrer sans arrêt l'autre du doigt, et faire ainsi bien remarquer à quel point on est soi-même irréprochable, ça ne fait qu'entretenir un climat malsain de délation, et une pression parfois trop forcée.

A force de voir passer des remarques acerbes, qu'elles nous soient ou non destinées, on finit par avoir l'impression qu'on a plus le droit de ne rien faire sans mettre le monde entier en danger, ou prendre des risques inconsidérés - ça tourne parfois à la psychose.

Sortir pour prendre l'air, se défouler, se ressourcer, quand le besoin s'en fait vraiment sentir, c'est salutaire. Si on peut s'en passer, tant mieux ; mais il ne faut pas oublier qu'il peut aussi parfois être vital pour certains de sortir, dans les situations les plus difficiles.

Mieux vaut se garder de jugements trop hâtifs sur les réseaux... Bien sûr, il y a de vrais cons du confinement ; mais quoi qu'on en voit, à l'échelle d'un pays entier, ils restent une minorité. On ne peut pas s'empêcher de juger, en son for intérieur - mais le faire ouvertement et sans arrêt sur les réseaux sociaux n'avance rien, tant ça ne convainc que ceux qui sont déjà convaincus.

Pour ma part, je veille à m'informer sur le covid, avec du recul, en essayant de ne pas sombrer dans l'angoisse et me laisser trop affecter.

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Facile à dire, je le concède - mais tant qu'à être enfermés, j'aime autant me dire que ce n'est pas que pour le pire.

Utopique, sans doute ; luxueux, c'est certain. Mais tant que je le peux, je préfère m'attarder sur les bons côtés, en restant optimiste, mais réaliste.

Voilà - on est maintenant à la moitié, paraît-il. Mais ça ne se terminera pas le 11 mai, il ne faut pas se leurrer. Il ne suffira pas d'une date fixe pour que tout "revienne à la normale", quoi qu'on puisse en espérer. Notre normalité ne sera plus tout à fait la même, après... On verra bien les traces que ce confinement laissera en nous - mais il y en aura, c'est certain.

D'ici là, il nous reste du temps... On en a déjà à revendre, paraît-il, mais il en reste au moins autant devant nous - du temps pour que nos routines s'installent, pour que la lassitude nous gagne, pour que l'on réalise peu à peu ce qui nous attend vraiment.

On attaque maintenant le deuxième round, encore un peu sonnés, mais prêts à en découdre...

Espérons qu'ensemble, nous saurons le gagner, et nous relever, sans prendre trop de coups.

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Publié dans Ma p'tite vie

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L
Je nous souhaite des forces pour continuer :) Il y a des hauts et des bas ici aussi mais la routine a clairement pris le dessus et je crois que j'ai arrêté de me projeter dans "la suite".
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P
Moi justement c'est un peu l'inverse j'ai justement mis du temps à réaliser "qu'après" ne voudrait pas dire "fini"... mais bon, de temps en temps on craque mais sinon ça va!
E
Je te rejoins tellement sur l'état d'esprit de délation ! C'est moi qui fait les courses pour ma maman. Il y a deux semaines, je profite de l'occasion de lui apporter des courses pour prendre le bébé et deux enfants (sur cinq) avec moi. 15 minutes aller, 15 minutes retour et quelques minutes pour faire coucou à mamie de loin. Ces petits moments rares offrent justement ces soupapes dont on a bien besoin.<br /> En rentrant, régénérée par ce court moment à l'extérieur, un homme ouvre sa vitre de voiture et me dit "Madame, vous savez que c'est dangereux d'être dehors ?!".<br /> Ce type, je m'en souviens. Son jugement sans rien savoir de ma situation aussi. Je rentrais chez moi avec mes enfants, j'aurais pu revenir d'un rendez vous, de quelqu'un qui me les garde alors que je travaille ou être une maman divorcée qui amène ses enfants chez leur père. <br /> Cela m'a fait voir les choses différemment. On applaudit aux balcons mais on continue de juger son voisin. Une belle douche froide sur les valeurs de vivre ensemble et d'effort commun...<br /> <br /> Pour le reste je le reconnais assez dans ta description... Je te souhaite beaucoup de courage pour la suite !
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P
Oui, je trouve que les gens sont bien prompts à juger, ça les rassure sans doute sur le fait qu'eux, ils font bien... Mais on ne connaît pas toujours ce qu'il y a derrière une situation, sans nier qu'il y a effectivement des cons qui méprisent allégrement les règles. Pour le reste, je crois que nous sommes nombreuses à ressentir vivement le besoin d'un peu souffler et être seules, un peu! Heureusement les vacances commencent par ici, et Papa Picou n'aura plus à travailler pour les 15 prochains jours - ce n'est pas idéal, on aurait préféré partir comme prévu, mais ce sera déjà bien mieux!
E
Je me reconnais assez ;)