Lecture - 'Les derniers jours de Rabbit Hayes'
L'un des bénéfices de mes vacances, c'est que j'ai eu du temps pour lire. J'ai d'ailleurs eu plusieurs coups de coeur, parmi lesquels "Les derniers jours de Rabbit Hayes", dont je vais vous parler aujourd'hui.
Ce qui m'a attirée vers ce livre, comme souvent, c'est sa jolie couverture qui le faisait ressortir parmi tous les autres livres du rayon : un beau graphisme coloré et éclatant sur fond noir, qui au fond est une excellente manière de résumer ce livre : un sujet noir, mais un récit vif, percutant et terriblement attachant.
"Les derniers jours de Rabbit Hayes", d'Anna Mc Partlin, ne nous prend pas en traître puisqu'il raconte...les derniers jours de Mia Hayes, affectueusement surnommée Rabbit par son entourage, en stade terminal d'un cancer du sein.
Nous prenons son histoire alors que sa maladie récidive et se généralise, lorsqu'elle entre en maison de repos pour vivre, aussi paisiblement que possible, les 9 jours qu'il lui reste à vivre.
Un sujet loin d'être funky, évidemment, mais qui est pourtant ici traité avec humour, chaleur, et sans pathos.
Bien qu'elle soit l'héroïne du roman, le point de vue de Mia n'est partagé qu'à quelques reprises, et souvent indirectement, via les écrits de son blog, notamment, ou via des rêves.
En réalité, il s'agit avant tout d'un récit choral, partageant les points de vue et histoires des proches de Mia.
Jack et Molly, ses parents, désemparés, révoltés, de voir leur fille chérie partir avant eux sans rien pouvoir faire pour la sauver.
Ses frère et soeur, Davey et Grace, l'une mère de famille rangée et raisonnable, et l'autre, musicien et éternel ado en marge, si différents mais qui parviennent à se rapprocher dans l'épreuve.
Et Juliet, sa fille, orpheline en devenir forcément un peu perdue, que tous veulent épargner et autour de laquelle se cristallisent tous les enjeux.
Alors que Mia perd sa bataille contre la maladie, son entourage, lui, la commence tout juste...Ils forment une tribu imparfaite, mais joyeuse et aimante, qui se révèle extrêmement liée par l'épreuve.
Chacun des personnages porte, à travers son histoire, une part de celle de Mia. Par leurs souvenirs, c'est la vie de Mia, rock'n'roll et passionnée, que l'on retrace avec bonheur.
Au travers d'une attachante galerie de personnages, toutes les émotions et étapes d'un deuil sont évoquées, colère, déni, puis finalement l'acceptation.
Dans leur cheminement pour accepter l'inévitable, et pour aider Rabbit à partir en paix, on découvre leurs vies, leurs doutes, leurs regrets, leurs failles. Au travers de leurs souvenirs, qu'ils soient bons ou mauvais, on les voit grandir, et se ressouder autour de la future absente, qui réussit à les lier dans un amour profond, parfois difficile.
Il y aurait tant de raisons de pleurer dans ce livre si touchant...
Pourtant derrière l'émotion, ce qui ressort c'est l'envie de vivre, de continuer à regarder la vie avec légèreté, et de s'accommoder de ce que la vie nous donne en distribuant nos cartes du mieux que l'on peut.
La force de ce roman réside dans son regard lucide, parfois caustique, mais tout en légèreté et en délicatesse sur la maladie.
L'auteur réussit à éviter tout style larmoyant, malgré un sujet qui s'y prête pourtant tellement, et relève même le défi de manier tout au long du roman un humour noir parfaitement dosé.
Bien qu'elle soit tout sauf banale, la vie de ce petit groupe d'irlandais sonne juste, leurs anecdotes sont savoureuses ; seule la grande histoire d'amour de Mia, que l'on revit au fil des flash backs, ne m'a pas semblé apporter beaucoup au récit, bien qu'elle ne soit pas caricaturale.
Même lorsqu'elle n'est plus que le fantôme d'elle-même, Mia irradie, c'est une vraie lumière pour ses proches comme pour le lecteur.
Son attitude combative, optimiste, et sereine contamine peu à peu ses proches, comme celui qui tient le livre entre les mains.
Quel courage il faut pour réussir à prendre de la distance avec l'horreur, pour voir au delà de soi-même, sans s'appitoyer sur soi, pour garder bienveillance et second degré dans une situation si difficile...Et quel talent d'arriver à le retranscrire simplement, sans chichis, sans tire-larmes!
L'issue est inévitable, annoncée clairement d'office, il n'y a pas d'échappatoire.
Et lorsque l'héroïne part, on a l'impression de faire un peu partie de la famille - et si l'on pleure (j'avoue être rarement aussi touchée par un livre, celui ci m'a mis la larme à l'oeil), c'est bien sûr parce qu'on est triste de son sort...
Mais en même temps, et surtout, parce qu'on est heureux, serein, de la voir partir en paix, et de savoir que la vie pourra reprendre après elle.
On ne quitte pas ce livre indemne je crois...
C'est un livre fort, qui marque, que l'on ait vécu une telle épreuve de près ou non. Une lecture parfois dure, mais qui nous élève vraiment.
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