Lecture - 'Vox' de Christina Dalcher

Publié le par Picou

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Avec un tel titre, il serait facile de vous dire que ce roman m'a laissée sans voix!

Le jeu de mot serait parfait... Mais si j'ai effectivement apprécié ma lecture, il faut pourtant bien avouer que ça n'a pas complètement été le cas.

Beaucoup de choses m'ont emballée dans ce roman, mais quelques semaines après l'avoir fini, je reste sur une impression mitigée, celle d'un vrai potentiel... finalement un peu gâché.

C'est avant tout le contexte décrit dans le roman qui m'a attirée, et beaucoup plu à la lecture.

L'héroïne, Jean McClellan, est une brillante Docteur en Neurolinguistique à la tête de travaux prometteurs sur l'aphasie, une forme extrême d'atteinte du langage.

Mais comme toutes les femmes des États-Unis, elle est maintenant interdite d'exercer et réduite au silence, condamnée à porter en permanence un bracelet compte-mots qui ne l'autorise à prononcer que 100 mots par jour. Au delà, une cuisante décharge électrique se charge de la ramener dans le bon chemin...

Celui d'une irréprochable vie au foyer, vertueuse et entièrement dévouée à son mari et sa famille.

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Sans culture, sans communication, sans libre-arbitre... sans plaisir.

Pourtant, lorsque le frère du Président tombe dans une forme d'aphasie après un accident, elle est appelée à la rescousse : son expertise pourrait bien représenter le seul salut du malade... et le sien, par la même occasion.

Car en échange de son aide pour développer d'urgence un remède permettant de le sauver, elle et sa fille sont dispensées de bracelet. Mais pour combien de temps?

Ce qu'elle va découvrir en aidant le gouvernement pourrait être plus sombre encore que ce qu'elle ne vivait déjà...

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"Vox" est une dystopie aux forts accents féministes.

La comparaison est forcément facile avec La Servante écarlate (The handmaid's tale), dont je vous ai parlé en son temps - mais si l'on trouve dans "Vox" la même force dans la description d'une société patriarcale poussée à l'extrême, le traitement qui en est fait en est assez différent.

Le roman est plus léger, c'est un bon "page turner" : l'intrigue rythmée, boostée par un suspense savamment dosé, est captivante, et on alterne entre rebondissements, pensées de l'héroïne et flashbacks sur son passé.

Le style est fluide et efficace, et on lit vite tant il donne envie de découvrir la suite sans attendre!

L'histoire est forte, dérangeante, et pousse à la réflexion : comment a-t-on pu en arriver là?

Comment, en quelques mois seulement, un mouvement religieux fondamentaliste peut-il arriver au pouvoir et instaurer des lois si répressives? En tant que femme, de surcroît maman de filles, forcément l'histoire me touche et me révolte.

Le récit est ancré dans un futur imprécis, mais suffisamment proche pour créer un doute et amplifier l'effet de peur. Forcément, la critique du modèle Trump est évidente, et la référence aux récents retours en arrière sur les droits des femmes aux États-Unis à peine voilée.

Un rappel salutaire que rien n'est acquis, et surtout un questionnement intéressant sur la responsabilité individuelle et collective.

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Le point de vue nuancé de l'héroïne en est le meilleur signe : horrifiée par le monde dans lequel elle vit, elle ne renie pas pour autant ses propres fautes.

Intellectuelle éduquée et aux avant postes, elle aurait pu sentir venir le danger, mais s'est pourtant voilé la face et n'a rien fait, préférant préserver son petit bonheur personnel.

Un choix qu'elle regrette maintenant amèrement, emprisonnée dans un système malsain que ses (non) choix ont favorisé. Les choses sont arrivées d'une façon progressive et pernicieuse, sans qu'elle y prête garde ni ne réalise leur gravité avant qu'il ne soit trop tard...

Comment ne pas regretter après coup de n'avoir pas lutté, quand il en était encore temps? Comment réussir à se détacher de cette culpabilité pour tenter maintenant de profiter de sa situation pour agir, même s'il est trop tard?

Une position instable, fragilisée par sa relation avec ses proches...

Maman de 3 garçons et d'une petite fille, elle ne peut s'empêcher d'en vouloir à son mari de laisser faire, même s'il ne cautionne pas le système, et à ses fils de pouvoir, de par leur sexe, passer entre les mailles du système.

Elle souffre d'autant plus de voir son aîné se laisser complètement embrigader par la propagande mise en place par le gouvernement, sans réussir à le ramener à la raison comme elle l'aurait souhaité.

Alors c'est en sa fille qu'elle place tous ses espoirs...

Pour lui éviter une vie de silence, de soumission et d'abrutissement, elle entre en résistance.

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Malgré tout, le récit souffre de certaines incohérences qui entravent son réalisme.

Déjà, j'ose espérer que dans la situation de Jean, à qui l'on offre la chance unique d'ouvrir son quota de 100 mots, je saisirais l'occasion pour abreuver mes enfants de paroles d'amour, et de mise en garde.

Même jeunes, je leur expliquerais les dérives du systèmes, les encouragerais à saisir chaque opportunité d'apprendre et, autant que possible, de lutter, et je les rassurerais sur leur valeur et leur potentiel.

Pourtant, lorsque Jean a enfin cette chance inespérée, c'est à peine si elle leur parle...

Elle ne trouve pas les mots pour s'opposer à son fils en pleine dérive et lui ouvrir les yeux, et regarde tranquillement sa fille avec une distance qui ne m'a pas semblé très naturelle.

Dans un tel monde, mes enfants seraient la meilleure raison de me battre - mais bien qu'elle tienne ce même discours, dans ses actes, il semble que ses histoire d'amour et d'amitié soient pour elle des moteurs plus forts, paraissant du coup assez artificiels.

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Mais c'est surtout la fin du livre, beaucoup trop précipitée, qui m'a déçue.

La recherche d'un happy end, ou tout du moins d'une ouverture plus optimiste, plonge à la fin le récit dans un rythme beaucoup trop rapide, avec un dénouement alambiqué et peu plausible.

De quoi achever sa lecture avec le sentiment d'un potentiel gâché, l'histoire, captivante, étant au final bouclée un peu à la va-vite : assez frustrant, tant la lecture de la première partie du roman était prometteuse!

Mais au final, si je devais moi aussi utiliser moins de 100 mots, je dirais tout de même que "Vox" reste un roman percutant, sidérant de réalisme en écho à l'actualité contemporaine. 

Qu'il nous permette d'y réfléchir et de rester alertes... Car comme il nous le montre, une société peut basculer bien plus vite qu'on ne l'imagine.

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Publié dans Lecture, Culture

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J
J'ai lu ce roman qui m'a laissé la même impression mitigée. Dans un registre similaire et je trouve plus fin il y a Power, qui propose une réelle réflexion sur la société patriarcale et sur l'objectif même. Que veut-on finalement? Faire la même chose que les hommes? Est-ce une question de pouvoir sur l'autre, de capacité physique à faire plier le genoux à l'autre? Quid du mouvement de foule? Quid des dictatures? très riches je trouve et qui m'a emmené à me poser certaines questions.
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P
Intéressant, je n'avais jamais entendu parler de celui là mais du coup je note la référence, merci!
C
Ouh... Ca donne envie ton retour !
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P
Je conseille vraiment ce livre, il tient en haleine et le propos est intéressant malgré la fin que j'ai trouvé décevante!