8 ans, sur le bord du chemin
Toi, déjà, 8 ans?... Mais où est donc passé tout ce temps! Celui qui t'a fais grandir, sans même que je ne le vois venir.
Toi, déjà, 8 ans? Toi qu'une part de moi considère(ra) toujours comme ma petite dernière, même si ça fait bien longtemps déjà que ce n'est plus le cas... Plus ma petite dernière, définitivement ; et bientôt plus même ma "petite" - enfin, je le sens.
Il en aura fallu, du temps, pourtant, pour qu'on te sente grandir vraiment : tu t'y complais tellement, dans cette enfance dorée, insouciante, pétillante, qui te correspond tant!
Mais pourtant tu avances, tranquillement, droit devant - ou en fait, pas vraiment : le long de ton chemin, tu pars un pas à droite, un pas à gauche, à petits bonds dansants - comme pour éviter les obstacles devant. Face aux responsabilités, aux efforts, aux contrariétés, tu ferais bien facilement un petit pas de côté!
A nous de te rappeler qu'on ne peut pas toujours dévier... et que pour progresser, il faut parfois savoir s'arrêter, attendre d'être prêt, affronter les difficultés, avant de repartir d'un pas mieux assuré. Comme dans les jeux vidéos que tu aimes tant faire avec ton papa : il y a parfois des routes qu'on ne peut éviter, et par où l'on doit trouver seul comment pouvoir passer.
Mais tu l'apprends, le temps aidant. Tu tentes toujours d'esquiver, pour voir... mais tu rentres bien mieux dans le rang, quand il le faut, maintenant.
Tes tempêtes d'autrefois ne sont plus qu'un souvenir - tu râles pour la forme, pour ne pas perdre la main... mais ce n'est presque rien.
Tu t'inventes toujours des injustices, des "puisque c'est ça...", des broutilles sur lesquelles râler, taper du pieds ou passer ton humeur bougonne - mais ça passe, comme ça vient, surtout qu'avec le temps, on n'y prête presque plus attention. Tu ne te laisses plus emporter par tes émotions ; tu les maîtrises bien mieux qu'avant.
On dit souvent que la place du milieu est la plus difficile ; je ne sais pas si c'est vrai, mais tu ne sembles en tout cas pas t'en inquiéter.
Au contraire : c'est la place qui te permet de sans cesse voguer entre ton irrésistible attirance vers ta grande sœur, ton repère, ta moitié, et ton propre rôle d'aînée, prête à dorloter, guider et protéger. Une relation mouvante, où chacune apporte à l'autre ce qui lui est propre ; de quoi t'entraîner autant à apprendre, qu'à transmettre à ton tour.
Pas si facile pourtant, dans cet entre-deux, de laisser complètement éclore celle que tu es. Même si tu partages beaucoup de points communs avec Chouquette, et que tu as tendance à te calquer sur ce qu'elle est, tu es plus logique, plus scientifique ; plus audacieuse et paradoxalement, plus fantaisiste aussi!
Il te reste encore à mieux t'écouter, et à le découvrir toi-même pour développer pleinement ta personnalité, et t'assumer.
Même si de ce côté, je suis plutôt rassurée : tu me sembles bénéficier d'une confiance en toi innée.
Tu avances avec une assurance dont beaucoup rêvent seulement... A l'aise quelque soit la situation - quitte même souvent à ne pas assez te remettre en question, ou à ne pas prêter aux autres toute ton attention.
En témoigne l'indéniable attraction que tu exerces sur tes camarades... que tu ignores parfois en retour copieusement. Car il te reste difficile de voir au-delà de ton petit monde : ta famille, ton petit groupe d'amies fidèles - les mêmes depuis 5 ans - tes habitudes, tes certitudes. Sans doute parce qu'ils suffisent à ton bonheur, simple, attendu, sans pression : tu ne te poses pas plus de questions.
Tu fais ton minimum, tant qu'ils te semblent acquis. Il te faudra sans doute y travailler un jour un peu plus qu'aujourd'hui... Mais profite-en, ma douce - reste au bord du chemin, tant qu'il est encore temps, qu'on ne t'en demande pas encore autant. Tu n'as pas encore à devenir vraiment grande, complètement.
A 8 ans, te voilà déjà sacrément assagie ; un pas après l'autre suffit. Ne perds pas encore cette désinvolture, cette douce fantaisie qui éclaire nos vies ; tu auras bien le temps pour tout ce qui t'attend, et pour entrer dans le rang.
Depuis toujours, tes rayons ardents nous bercent de lumière, autant qu'ils réchauffent nos cœurs ; je leur fais amplement confiance pour faire pousser avec vigueur toutes les graines que tu sèmes, sur le bord du chemin.
Nous découvrirons ensemble ce qu'elles feront éclore ; et je serai toujours là pour observer la jungle folle que tu sauras créer, et te guider pour y trouver ton chemin.