Conflits entre frères et soeurs : comment les gérer?
J'ai une chance folle : mes deux filles ont jusqu'ici eu une entente quasi-parfaite, et ce, depuis toujours.
Aucune jalousie ni rivalité, des tempéraments complémentaires, des goûts communs... C'est l'un de mes plus grands bonheurs de les voir évoluer ensemble, se soutenir l'une l'autre ou se câliner tendrement.
Au delà de la fierté que je ressens à les voir si bien s'entendre, je dois bien avouer aussi que ça simplifie considérablement notre quotidien, leurs petites chamailleries (elles en ont quand même!) se réglant en général très vite et sans trop d'intervention de notre part.
Seulement... Depuis quelques temps, je sens que leurs relations, si elles restent toujours bonnes, deviennent un peu plus difficiles.
Le changement est encore léger, mais malgré tout, je le sens.
Si Chouquette est toujours aussi tendre et prévenante envers sa sœur, Bouclette semble manifester depuis son entrée à l'école un certain désir d'indépendance, qui se traduit plus souvent qu'avant par un rejet des jeux en commun, une volonté d'être seule dans sa propre chambre, ou des mots parfois plus durs qu'à l'accoutumée envers sa grande sœur.
Rien que de très normal dans une fratrie, et rien de dramatique non plus ; mais nous n'y sommes pas vraiment habitués, et cela fait parfois un peu de peine à Chouquette, qui ne comprend pas trop que sa sœur grandit, et commence à s'émanciper.
J'ai moi-même un serrement au cœur lorsque je les entend se disputer, et je ne supporte pas très longtemps ces situations un peu tendues.
Je ne peux pas m'empêcher longtemps d'intervenir un peu...
J'ai déjà pris la peine plusieurs fois de leur expliquer que c'était normal, de ne pas être toujours d'accord ou de ne pas avoir les mêmes envies, et qu'il ne fallait pas en prendre ombrage.
J'ai remis l'accent sur le fait qu'on avait parfaitement le droit de vouloir être seul de temps en temps, mais qu'il est souvent plus agréable au final de jouer ensemble, et de partager les bons moments.
Jusqu'ici, cela a toujours suffi, et la plupart du temps, même lorsqu'elles sont en désaccord, mes filles reviennent naturellement très vite l'une vers l'autre.
Mais au fond de mon cœur, je sais bien que ce ne sera pas toujours le cas, et qu'elles auront de plus en plus de disputes plus sérieuses (à l'adolescence, j'imagine, en particulier).
Et ça me fait peur, car j'entrevois la peine que cela me causera.
Les conflits me mettent mal à l'aise, et j'ai tendance à toujours trouver un moyen d'aider à les neutraliser.
Ce qui n'est pas toujours la meilleure marche à suivre, d'ailleurs, dans les cas de disputes entre fratries...
On dit souvent qu'il faut plutôt habituer frères et soeurs à régler leurs différends par eux-mêmes, avec leurs propres moyens, sans trop intervenir (hormis si de trop grandes limites sont franchies, comme de fortes violences verbales, psychologiques ou physiques, ou si le déséquilibre penche toujours du même côté).
Je crois en effet que c'est le meilleur moyen de les laisser bâtir leur propre dynamique, celle qui leur correspond vraiment, sans la biaiser par notre propre point de vue extérieur.
Après tout, les disputes de nos enfants sont au fond assez saines, car elles leurs permettent d'exprimer leurs émotions, d'affirmer leur personnalité et de bâtir leur relation.
En cherchant à régler les conflits de nos enfants à leur place, on pense souvent améliorer les choses... mais on peut avoir l'effet inverse.
Parce qu'on peut aussi sans s'en rendre compte manquer d'objectivité, entretenir une compétition, ou créer des rancœurs profondes.
Et même sans cela, on prive aussi nos enfants de la possibilité d'envisager leurs propres solutions, de trouver eux-mêmes le compromis qui permettra à la situation de revenir à l'équilibre, sans qu'aucun des deux ne se sente lésé ni frustré.
Seulement, que ce passe-t-il si un jour, nos enfants n'arrivent plus à trouver d'eux-mêmes une solution pérène à leurs disputes, et que l'un d'eux, ou tous, en souffrent?
Comment réagir alors, en tant que parent, pour les accompagner vers une relation plus apaisée, en se réconciliant ou en acceptant leurs différences?
Je n'ai pas ces clés là, n'ayant encore jamais eu à me pencher sérieusement sur la question, mais je crois que c'est une peur qu'ont tous les parents d'enfants multiples, à des échelles plus ou moins fortes selon la relation entre leurs enfants.
Avant d'en arriver là, je crois qu'il est essentiel d'accompagner ses enfants dans leur relation fraternelle...
Non pas en dirigeant leurs actes ou leurs façons de résoudre leurs conflits, mais en leur inculquant qu'ils sont à la fois des individus à part, et une partie d'un ensemble.
Qu'en tant que tels, ils ont le droit de suivre leur propre chemin, d'avoir leurs propres intérêts et décisions, ou même de ne pas toujours s'apprécier, mais qu'ils pourront aussi se reposer sur leurs frères et sœurs en cas de besoin, et trouver une vraie force à agir en tant qu'alliés. Et que c'est une chance inouïe dont il faut prendre soin.
Encourager ses enfants à développer et cultiver leur lien fraternel, même dans les conflits, c'est déjà les aider à consolider leur avenir ensemble.