Le portable et les ados
Avec l'entrée au collège, de nouvelles questions arrivent... Les horaires flexibles, les transports, l'autonomie à laisser à son enfant ; et de là : quand lui donner un portable?
C'est une question que nos propres parents n'ont pas eu à trancher... mais qui, aujourd'hui, est un vrai casse-tête quand on a un ado!
Jusqu'ici, c'était assez confort, en ce qui nous concerne : notre organisation familiale, associée à la logistique du collège de notre fille, nous ont permis de retarder cette décision jusqu'à maintenant, et elle a fait toute son année de 6ème sans avoir de téléphone. Mais elle grandit, gagne en autonomie, et la question se pose désormais plus sérieusement.
Dès l'arrivée au collège, et parfois même avant, on ressent pas mal de pression sur le sujet, en tant que parent. Désormais, notre enfant devient grand, il aura des horaires flexibles, souvent incompatibles avec nos vies professionnelles, des changements de planning imprévus, et la plupart du temps, un trajet plus long à faire vers son établissement...
Autant de raisons qui poussent à mettre en place un canal de communication direct avec lui, pour qu'il puisse nous informer de ce qui lui arrive.
Mais au delà de cette utilisation basique, le smartphone d'aujourd'hui est aussi un vrai marqueur social, et une ouverture vers le monde numérique.
De quoi aussi provoquer des réticences... Car c'est là qu'entrent en jeu la plupart de nos inquiétudes parentales.
Comment notre jeune ado va faire face à l'immensité de l'univers virtuel? Saura-t-il réguler son activité en ligne, aura-t-il suffisamment de recul face aux multiples dangers du numérique? Comment le protéger des mauvaises rencontres, des risques de harcèlement, des fake news et des biais qu'instaurent les algorithmes?...
Force est de constater qu'avoir un téléphone portable, ce n'est plus juste pouvoir téléphoner! Et même si l'on a l'impression d'être assez à la page, on a bien conscience que notre génération est sans doute complètement à l'ouest par rapport à la leur, sur le plan numérique.
D'où nos difficultés à bien cerner à quel moment ouvrir les portes de ce nouveau monde à nos enfants, et comment.
Comme toujours, il n'y a pas de règle unique... Tout dépend de nos propres contraintes logistiques, et du caractère de notre enfant.
A l'arrivée au collège, les copains sont bien souvent équipés de portables - alors, quand on n'en a pas, on peut vite se sentir exclu, ou envieux! Ce sont donc souvent nos enfants qui abordent eux-mêmes le sujet, enchantés à l'idée d'avoir bientôt un accès à leur petit "jardin secret" et un espace d'indépendance.
Avant de céder à la pression ambiante, qui nous pousse à équiper les enfants de téléphones de plus en plus tôt, je crois qu'il faut considérer une variété de facteurs pour déterminer le bon moment où mettre un téléphone dans les mains de son enfant.
L'aspect économique, déjà - car les smartphones d'aujourd'hui coûtent très cher, alors que nos ados n'en prennent pas toujours particulièrement soin! Même si l'on peut parfois récupérer un vieux téléphone, mieux vaut avoir confiance en leurs capacités à ne pas le perdre ou l'abîmer trop vite. Mais ce point reste assez secondaire...
Il faut avant tout évaluer l'aspect pratique : quel besoin réel l'enfant aura-t-il de l'objet?
Pas juste pour s'amuser, pas juste pour faire comme les copains - mais pour que ça lui soit vraiment utile, au quotidien.
Ce sera sans doute le cas si son collège est loin, si la logistique de son quotidien est assez lourde, ou s'il doit joindre souvent différentes personnes. Qu'il reste joignable, à chaque étape, sera à la fois rassurant et pratique.
Ce n'était pas le cas de ma fille jusqu'à présent... Dans son collège, les portables sont interdits ; et elle n'a que quelques centaines de mètres à faire à pieds pour rentrer. Travaillant à mi-temps, je suis souvent là quand elle rentre, ou peu après...
L'intérêt d'un téléphone pour la contacter était donc assez limité, et elle s'en est sans problème passé, cette première année, même si elle aurait sans doute bien aimé pouvoir chatter parfois sur le groupe Whatsapp des copines.
Mais avec la fin d'année, les rencontres entre élèves, hors du collège, se font plus fréquentes ; et les jeunes se servent du téléphone pour s'organiser pour certains projets, ou pour garder contact, cet été... J'ai moi-même aussi de plus en plus d'occasions où j'aimerais pouvoir la joindre en direct, lorsqu'elle n'est pas avec moi.
Nous allons donc lui en acheter un pour son anniversaire, en juillet, afin qu'elle puisse se familiariser avec cet été.
Et surtout, qu'on puisse accompagner ses premiers pas dans un monde dont elle ne maîtrise pas encore les codes.
Car c'est bien là, évidemment, le plus grand défi du portable : savoir éviter les écueils des réseaux sociaux, auxquels il donne accès.
Même si ces applications sont - en principe - interdites avant l'âge de 13 ans, il ne faut pas se leurrer... Les ados ont vite fait de les investir quand même, et de se laisser influencer par les belles promesses qu'ils y trouvent, sans forcément se méfier!
Les réseaux sociaux sont justement faits pour nous rendre addicts, et flatter nos bas instincts... mais si nous, adultes, avons eu des années pour nous en rendre compte, et prendre la distance nécessaire, nos ados n'ont pas encore le même recul, et se laissent souvent volontiers embarquer.
C'est donc surtout quand on sent son enfant assez mûr pour le comprendre, et prendre cet aspect en considération, que l'on peut, selon moi, envisager qu'il ait son propre téléphone.
Il y a tellement d'écueils auxquels le préparer... Croire qu'il n'y sera pas confronté, parce qu'on imagine qu'il n'est pas concerné, ou qu'on lui a fixé des interdits, c'est se voiler la face!
Qu'on le veuille ou non, en ayant accès au web, notre ado va y découvrir des choses et y vivre des situations qu'on aurait voulu éviter.
Celles qui nous font ouvertement peur, comme l'accès à des images choquantes ou pornographiques, les mauvaises rencontres, les pièges d'identité, les achats inconsidérés, les photos "nude" ou les embrigadements idéologiques...
Mais aussi d'autres qui, sous des abords plus "acceptables", sont aussi sournoisement dangereuses : l'addiction aux écrans, l'isolement et le repli numérique, l'humiliation et le harcèlement, le biais des sources et les fake news, ou simplement, l'appauvrissement culturel et la perte de notre esprit critique...
Bien sûr, il y a aussi beaucoup de positif dans le monde numérique, qui nous ouvre des perspectives et des ressources infinies ; mais il nous revient d'éveiller et d'éduquer nos enfants à tous ces risques, à partir du moment où ils pourront y être confrontés via leur vie numérique (et même si - heureusement!- ils n'y feront pas forcément face).
Offrir un téléphone à son ado, c'est donc aussi prendre le temps de lui expliquer comment le monde marche, quels dangers il pourrait y rencontrer, et comment y réagir sainement.
C'est une démarche complète, et progressive, qui doit englober l'outil en lui-même, et tous ses potentiels impacts.
Savoir se montrer à l'écoute, ouvrir une possibilité de dialogue, renforcer le sentiment de confiance de son enfant, c'est lui offrir aussi les clés pour une utilisation raisonnée d'Internet, même s'il cherchera - c'est naturel - à toujours la pousser un peu plus loin, surtout en maîtrisant bien mieux que nous des outils en perpétuelle évolution.
C'est un vaste défi, pour nous, parents...
Ne pas avoir l'air de vieux darons largués, mais rester conscients des risques, et les anticiper ; éveiller aux dangers, sans les leur divulguer ; savoir veiller au grain, sans être intrusifs ; et fixer des limites claires, mais pas trop rigides... Bref, faire confiance, mais rester vigilant, alerte, et disponible pour réagir aux premiers signes de difficultés.
C'est un contrat à mettre en place avec son enfant, en fonction de son caractère et de nos valeurs, pour que tout se passe au mieux.
Pour notre part, nous allons fixer dès le départ quelques règles de base, pour régir l'utilisation du portable de notre aînée.
Déjà, nous allons fixer les réglages du téléphone grâce à une application de contrôle parental : on a beaucoup entendu parler de Family link, pour Android (ou l'équivalent Qustodio, je crois,sur iOs). Même si j'imagine que les grands ados finissent par réussir à le contourner, ce sera déjà une bonne base!
Puis, nous établiront quelques règles "familiales" : pas de portable le matin avant le collège, ni pendant les repas ; et le soir venu, il devra rester dans le salon. Et nous fixerons certainement un temps d'écran.
Nous expliquerons aussi clairement à notre fille que même s'il s'agit bien de son téléphone, et que nous ne vérifierons pas tout ce qu'elle en fait, nous devrons en connaître le code d'accès, et pourrons y accéder à tout moment, qu'elle le veuille ou non.
Enfin, nous nous mettrons sans doute d'accord pour limiter le nombre applications qu'elle pourra y installer, en lui imposant d'en choisir seulement une ou deux au début, que nous aurons au préalable validées.
Bien sûr, nous verrons comment cela se passe avec ces règles, et nous les feront sans doute évoluer en fonction de son attitude, et de son âge, petit à petit. Et en complément, nous veillerons à lui expliquer comment tout cela fonctionne, et les risques potentiels qu'elle pourrait encourir.
Il me semble que ce sera déjà une bonne approche...
Mais j'avoue ne pas encore complètement me rendre compte de ce qui m'attend! Et vous, à quel âge vos ados ont-ils eu un téléphone à eux, et comment cela s'est-il passé?