Ces tout derniers jours suspendus
Aujourd'hui, je pense fort à l'une de mes amies, qui vit ces temps-ci les derniers moments de sa première grossesse.
Et à travers elle, je revis avec émotion cette drôle de période que j'ai vécue moi-même il y a 5 ans, et je pense à toutes les futures mamans qui arrivent elles aussi à la fin de cette si belle aventure.
Les tout derniers jours, cette période suspendue, hors du temps, où l'on est à la fois prête à accueillir son enfant, et morte de trouille à l'idée de ce qui va arriver. La toute dernière planche de salut, juste avant de basculer dans l'inconnu.
Ces quelques derniers jours, c'est un vrai feu d'artifice, bouquet final de 9 mois intenses. Déjà mises à mal par nos hormones, nos émotions partent dans tous les sens : de l'excitation au ras le bol, de impatience à l'appréhension, de l'envie à déjà un peu de nostalgie...
L'imminence de l'arrivée de bébé se fait sentir, et tout commence à réellement se concrétiser.
On a passé près de 9 mois à voir son ventre grossir peu à peu, à s'habituer à son nouveau corps, à se dire qu'on avait encore le temps...mais tout d'un coup, ça prend forme (c'est le cas de le dire vu le volume maximal de bidou!), et ça y est - ce bébé qu'on a tant imaginé, on va bientôt le rencontrer.
Ce qui jusque là tenait beaucoup de l'imaginaire se met enfin réellement en place, au fil des dernières courses pour bébé, des préparations à l'accouchement, de l'enchaînement des RV médicaux, et du harcèlement de nos proches ("mais tu vas exploser!", "alors, toujours pas accouché?" - si si, mais j'ai préféré prévenir personne, c'est plus drôle - surpriiiiiise!).
En général, on est alors partagées entre l'envie que tout cela se termine - et vite! - et la peur de l'inconnu.
Au quotidien, c'est le ras le bol total : le bidou attrape-tâches, la démarche de pingouin à 2 à l'heure, le culbuto pour sortir du lit, le putching-ball intérieur, les insomnies, les mini-pipis toutes les 2mn...et toutes les autres joyeusetés de grossesse qu'on se coltine depuis des mois...
Ca va! On a fait le tour - qu'on en finisse! On voudrait juste reprendre possession de notre corps et retrouver notre énergie. (Spoiler : il ne faut pas trop s'attendre à les retrouver immédiatement...patience! ;o)!).
Et puis l'aspect inéluctable de la situation commence insidieusement à nous effrayer...Et oui, ce bébé qui s'est si bien installé, il va bien falloir qu'il sorte! Et même sans l'avoir encore vécu, on a bien une petite idée de ce qui va se passer...
Alors bonjour les cauchemars où l'on s'imagine toutes sortes d'accouchements improbables, les insomnies à se poser 1000 questions sur ce qui va se passer, et les petites lectures de récits d'accouchements sur notre ami l'internet (re-spoiler : pas la meilleure idée du monde!)...
Mais d'un autre côté, il y a surtout ce bébé, qu'on a tant imaginé, et qu'on a tellement hâte de découvrir enfin, et de couver précieusement...
L'impatience grandit, on peaufine les derniers détails pour préparer son petit nid, une chambre ou un coin chaleureux pour dormir, de bien jolis tout mimis petits vêtements pour le faire tout beau, et tout un attirail pour s'occuper au mieux de lui...
On rêve mille fois notre première rencontre, on imagine ses traits - tiendra-t-il plus de moi? de lui? Ira-t-il bien? Pleurera-t-il ou pas? Saurais-je immédiatement l'aimer? Devra t-on s'apprivoiser?...
L'envie de découvrir enfin ce mini-nous après des mois d'attente, de le serrer enfin dans nos bras, prend souvent le dessus. On se sent prête, enfin, à l'accueillir dans ce monde, à l'inviter auprès de nous. Qu'il prenne enfin cette place qu'on lui a préparée pendant 9 mois.
Ces tous derniers jours de grossesse, c'est un temps suspendu, et déjà la nostalgie d'une époque.
Parce que quelque soit la façon dont on a vécu notre grossesse (je parle ici évidemment de grossesses "classiques", sans accouchement prématuré), on sent bien déjà qu'on laisse passer une part de notre vie, une insouciance, une liberté qu'on ne retrouvera peut être plus jamais - en tout cas pas sous la même forme.
En donnant la vie, on change à jamais, sur tous les plans possibles. C'est une responsabilité, mais aussi un amour si grands qu'on ne verra jamais plus la vie de la même manière. Si on le conçoit déjà avant d'être maman, on n'en saisit l'ampleur qu'après avoir donné la vie - et ces quelques derniers moments d'une grossesse nous ouvrent la porte vers ce nouveau monde.
Alors quand mon amie me disait, en rigolant, qu'elle n'avait bien entendu pas préparé de voyage pour ses vacances cette année, je n'ai trouvé qu'une chose à lui répondre...
Ne t'inquiètes pas, ma belle, ma petite Belleza. Cette année, tu vas aller plus loin que tu n'es jamais allée en territoire inconnu.
Mais ce sera le plus beau voyage que tu n'auras jamais fait.