Et si on arrêtait le jugement systématique entre parents?
Avant hier, j'ai poussé un gros coup de gueule sur Instagram.
Je ne suis pourtant pas du genre à m'énerver, dans la "vraie" vie et encore moins en ligne, mais là, une goutte d'eau a fait déborder le vase...
Pour ceux qui ne me suivent pas encore sur ce réseau, je vais resituer le contexte.
D'un coup, je m'étonnais de recevoir, sous une photo datant de plus de 2 ans, plusieurs commentaires composés uniquement de hashtags. "#stopveo", "#dansmesbras", "#notimeout", "#stophumiliation", par exemple, étaient bombardés sous ma photo, sans aucun autre texte explicatif.
Cette photo représente ma Bouclette quand elle avait 2 ans, de dos, jouant mignonnement et piteusement avec ses doigts... alors qu'elle était au coin.
Comme sur toutes les photos que je poste, elle n'y est pas reconnaissable, et l'image s'accompagne d'une légende, illustrant un article que j'avais écrit sur la période du terrible two, que j'essayais alors de gérer. Il était peut être maladroit de mettre cette photo sur un réseau social, même encadré de ces précautions...
Mais le contexte dans lequel cela a été fait, n'a absolument pas été pris en compte, et diverses personnes ont voulu dénoncer via ces hashtag copiés-collés, une humiliation supposément faite à mon enfant.
Pour info, elle se porte très bien, et elle est très épanouie - je vous rassure.
En remontant le fil des hashtags, j'ai fini par comprendre d'où venait cette vague de commentaires.
En réalité, un compte issu de la mouvance bienveillante, prônant le #stopveo (=Violences Éducatives Ordinaires, parmi lesquelles le coin, considéré comme une pratique dégradante), avait partagé une rumeur selon laquelle le #aucoin était actuellement utilisé exprès par des parents mettant en scène en rigolant l'humiliation de leur enfant.
Ce compte, relayé par d'autres comptes aux opinions similaires, a ainsi lancé un appel à contrebalancer le #aucoin (que j'avais utilisé sous la photo, évidemment pas dans l'objectif décrit ci-dessus) par d'autres hashtags, jugés plus bienveillants.
Une initiative qui a fini par être mal interprétée par diverses extrémistes de la bienveillance, qui y ont vu un appel au bashing pur et simple, bombardant de hashtags culpabilisants quiconque aurait utilisé ce hashtag.
Les réseaux sociaux étant ce qu'ils sont, certains se pensant protégés derrière leur écran ont vite fait de se sentir pousser des ailes de justiciers, et de juger et afficher les autres sans aucun recul.
C'est ce qui s'est passé pour ma photo. Un peu estomaquée, je me suis sentie clairement agressée.
Pourtant je ne leur reproche pas le fond - car j'ai beau ne pas partager toutes leurs idées, je respecte tout à fait leur point de vue. Je n'encourage pas particulièrement à mettre les enfants au coin, et c'est bien d'essayer de trouver des alternatives - je n'en suis ni fière, ni honteuse non plus.
C'est juste une punition que j'ai jugée parfois opportune, lorsque mes filles dépassaient des limites importantes pour moi, et que j'ai toujours limitée en fréquence, dans le temps, et surtout, que j'ai toujours accompagnée d'un dialogue a posteriori avec mes filles.
Ce n'est donc pas le débat sur la bienveillance éducative que je veux ouvrir ici - on pourrait y passer des heures et des heures, les arguments des unes n'arrivant certainement pas à convaincre les autres, et réciproquement.
Libre à chacun de penser que j'ai tort - nous avons tous nos propres convictions et valeurs.
Mais sur la forme, ce type de mise au pilori sur ce qui ressemble à un "mur de la honte" des parents, me semble détestable.
J'ai beau rester droite dans mes bottes face à l'accusation, ce genre de jugement à l'emporte pièce, immédiat et sans aucun dialogue possible, me révolte, et m'a fait sortir de mes gonds.
C'est une sorte de chasse aux sorcières bête et méchante, pointant du doigt certains parents, en les diabolisant, sans prendre en considération ni le contexte, ni la personne derrière l'image.
Ce n'a pas été mon cas je crois, mais certains profils ont même été montrés en story du compte ayant lancé le mouvement, comme un exemple de mauvais parents, et presque harcelés par des followers zélés.
Ce type de procédé va tellement à l'encontre des valeurs mêmes que ces personnes voudraient défendre...
Mettre ses enfants au coin serait intolérable, mais, on aurait le droit de clouer sans vergogne leurs parents au pilori, sans même ouvrir de possibilité de dialogue?
Le procédé est d'autant plus énervant qu'il devient de plus en plus courant sur les réseaux sociaux, portés malheureusement par des extrémistes du mouvement bienveillant... Après le #stopadultisme il y a quelques semaines, c'est maintenant le #stopveo que l'on voit maintenant à toutes les sauces sur les réseaux sociaux.
Si j'en comprends l'objectif de base - ouvrir un débat sur d'autres méthodes d'éducation possibles - j'en ai assez de la pression insidieuse que cela met sur les parents.
Toutes les personnes attachées au modes d'éducation dits "bienveillants" ne cautionnent heureusement pas ce type de pratiques ou de discours sans nuances, mais finalement, ce sont surtout ces mères la morale donneuses de leçon qui réussissent à crier plus fort que les autres, et à donner de la visibilité à ce mouvement.
Et au final, j'en ai peur, à le décrédibiliser... Ce qui est vraiment dommage.
Car s'il y a sans doute de belles choses dans la mouvance de l'éducation bienveillante, face à des mères bornées, persuadées d'avoir trouvé la méthode unique pour bien élever un enfant dans le respect, on finit par totalement se crisper.
Personnellement, je lis toujours les posts ou articles qui abordent ce sujet avec appréhension, car rares sont ceux qui sont assez nuancés, argumentés et non culpabilisants (que ce soit d'un côté ou de l'autre, d'ailleurs, ça finit toujours par ressembler à une bataille). J'ai toujours l'impression qu'on essaye de me prendre par la main pour me convaincre, et non de simplement m'informer de façon neutre.
Difficile d'avoir une demi-mesure quand on aborde la bienveillance éducative, au final... J'ai toujours peur de me sentir mal à l'aise quand le sujet est abordé, soit parce que je finirais par me sentir attaquée et jugée comme trop stricte, soit parce que la charge levée contre les 'bienveillants' sera trop lourde et généralisée.
Et l'autre jour, cette attaque en règle menée sur le #aucoin, révélatrice d'une grosse tendance à toujours juger les autres parents, m'a fait exploser.
Ne peut-on pas arrêter de croire qu'il existe une méthode d'éducation unique, et universelle? Ça se saurait, si élever un enfant était si simple et qu'il y avait un mode d'emploi immédiatement accessible, que certains par malheur ignoraient encore!
Chacun fait comme il veut, et surtout, comme il peut - ce n'est pas toujours facile, des fois on s'y prend bien, d'autres fois non. Des fois on a raison, des fois on a tort.
Peu importe, tant qu'on fait de son mieux, dans l'amour profond de ses enfants, en les accompagnant en gestes et en paroles!
S'ils ont ça, peu importent les (ou les non-) méthodes qu'on utilise. Ayons confiance en nos enfants - ils sauront se relever de nos éventuelles erreurs... Laissons chacun faire comme il l'entend, sans croire qu'il faut forcément leur apprendre la bonne parole. Discutons-en ensemble, sans vouloir à tout prix nous imposer.
Doit-on sans arrêt juger les autres parents aussi sévèrement qu'on le voit sur les réseaux sociaux? On n'applique pas tous les mêmes recettes, et combiné au caractère de nos enfants et à notre environnement, ça donne des résultats très différents, parfois même parmi nos propres proches.
Et différent ne veut ni dire mieux, ni pire...
Évidemment, qu'on se juge les uns les autres, entre parents - regarder chez le voisin, et évaluer la manière dont il s'en sort, c'est humain, et inévitable je crois...
Ça nous donne sans doute une occasion de nous rassurer nous-mêmes, en se comparant à ce qui ne marche pas chez les autres. C'est naturel, et finalement assez sain car ça nous amène parfois à nous remettre en cause, ou nous aide à gagner en confiance dans ce rôle si difficile.
Mais quand ça devient systématique et totalement borné, ça me dépasse.
C'est contre-productif, car au lieu d'ouvrir une discussion, un échange et peut être une éventuelle remise en question, on se braque et plus personne n'apprend des autres et de ce qu'ils ont à apporter.
La meilleure bienveillance est celle qui vient du cœur, et de son expérience personnelle, pas de dogmes tout prêts à digérer diffusés à grands renforts de livres ou de conférences, ou de hashtags en vogue, parfois appliqués sans recul ni nuances.
La bienveillance devrait avant tout commencer entre les parents eux-mêmes. C'est un rôle suffisamment difficile pour qu'on ne s'en rajoute pas en plus entre nous...