Mumpreneur : l'idéal pour concilier travail et enfants?
Je vous ai partagé mon cheminement pour trouver mon équilibre, entre salariat et auto-entreprenariat. Pourquoi ne pas m'être juste lancée en tant que mumpreneur?
Sur le papier, cela semblait être la solution rêvée! Contraction directe de "mum" et "entrepreneur", le terme désigne les jeunes mamans qui créent leur propre entreprise, et développent leur projet directement depuis chez elles, avec toute la flexibilité que cela permet, pour s'adapter aux contraintes de leur vie familiale. En quelque sorte, la liberté!
C'est un modèle qui a vraiment le vent en poupe, souvent présenté comme la solution idéale pour concilier vie de mère et vie professionnelle. Un phénomène particulièrement mis en avant sur les réseaux sociaux, où les exemples, toujours inspirants, laissent rêveuses.
"Mumpreneur", "mumboss", "Digital mum", "mumsuccess"... autant de néologismes qui laissent émerger une vraie tendance, à l'image ultra-positive : des femmes impliquées, débrouillardes et battantes, qui prennent leur destin en main pour ne pas sacrifier leur ambition professionnelle face à leurs obligations familiales.
Dans une société qui ne favorise pas vraiment le retour travail des mères, c'est l'espoir de pouvoir créer sa propre place!
Sans jugements ni entraves, et où les horaires d'école, les gardes de dernière minute ou les RV médicaux ne seront plus regardés de haut ou reprochés par une quelconque hiérarchie.
Lasses de voir bien souvent leur maternité considérée plus comme un handicap que comme une force, les mumpreneurs ont décidé de passer à l'action pour se créer elles-mêmes leurs propres opportunités, et ne pas être laissées de côté.
Bien sûr, comme je l'ai déjà beaucoup écrit ici, ce modèle correspond vraiment à ce dont j'avais envie : reprendre une activité professionnelle stimulante, en ligne avec mes centres d'intérêt, tout en laissant une vraie priorité à ma vie de famille. Me lancer en tant que mumpreneur était alors une vraie piste à creuser!
C'est donc une question que je me suis posée, dans ma volonté de me réinventer une vie professionnelle respectueuse de mes contraintes quotidiennes.
L'idée était séduisante! Mais malgré tous ses avantages, je ne restais pas très à l'aise avec l'idée de me lancer à 100% dans l'entreprenariat.
Déjà parce que - soyons honnêtes! - en me lançant dans la création artistique, comme sur de la rédaction web, je ne pense pas pouvoir en tirer un véritable revenu à l'heure actuelle!
Mais surtout parce que je ne suis pas sûre que ce modèle corresponde totalement à ma personnalité et à mes attentes, et que je reste assez dubitative face à la réalité dorée de ce nouveau modèle, tel qu'il nous est présenté. Même si c'est aujourd'hui à la mode, tout le monde n'est pas entrepreneur dans l'âme!
Déjà, au départ, il faut une idée, un produit ou un service à vendre, qui soit suffisamment attractif pour susciter un réel l'intérêt, durable et exponentiel - pour s'assurer un minimum de commandes et de croissance. Pas si facile... Et pour beaucoup d'activités ou de produits pour lesquels ça semble envisageable, le secteur est déjà bien bouché!
Nous sommes en effet bien nombreuses à nous laisser attirer vers cette une aventure qui semble si parfaite, sur le papier.
Surtout que les mumpreneurs se reportent souvent vers les mêmes types d'activités. Rédaction web, création de contenu, produits pour enfants, illustration, activités créatives, coaching... Il y a déjà beaucoup de monde qui essaie de se faire sa place au soleil, et la bataille est rude. Du coup, les tarifs sont souvent bradés pour essayer de se démarquer... pas évident alors de réussir à la fois à tirer son épingle du jeu et à gagner sa vie.
Entre alors en jeu une grosse partie de développement commercial, qu'il faut prendre en compte dans sa démarche : il va falloir se faire connaître, démarcher et se vendre, en coulisses comme sur les réseaux sociaux : et pas qu'un peu! Ça finit souvent par représenter une part entière du travail, alors qu'avoir cet esprit commercial n'est pas évident pour toutes, ni surtout, plaisant pour toutes. A titre personnel, c'est loin d'être ce qui me plait le plus...
Mener un business demande une organisation et une énergie considérable, et donc, aussi, un temps important.
Pas évident à entretenir sur la durée, à une période où notre maternité nous occupe et nous épuise déjà bien assez!
Si la promesse d'un planning flexible fait rêver, il faut être consciente que c'est souvent au détriment de son "temps libre", qu'on a déjà pas beaucoup en tant que maman. La flexibilité qu'on s'accorde sur les périodes extra scolaires, on devra souvent la récupérer les soirs ou les week-end... sans parler des vacances où ça peut devenir infernal.
La frontière entre vie perso et vie pro est je crois encore plus floue et plus compliquée qu'avec un emploi "traditionnel"... Il faut y être prête, car c'est une utopie de croire que l'on peut réellement caler son planning de travail sur celui de ses enfants. Certes, on peut se rendre disponible plus facilement au pied levé ; mais ça n'est pas pour autant que ça nous sera plus facile en termes de charge de travail.
Et on n'aura pas grand monde à qui s'en plaindre...
Car si c'est un sacré avantage de travailler de chez soi, ça laisse aussi perdurer l'isolement social dont beaucoup de jeunes mamans souffrent au quotidien.
Même en travaillant, on restera cantonnée à notre univers domestique, qui ne s'arrête pas de tourner... Et il est fort à parier que notre entourage risque encore trop souvent de compter sur notre présence sur place pour s'en occuper.
Bref : être mumpreneur, c'est certes pouvoir concilier ses contraintes familiales avec son travail ; mais surtout, devoir les assumer en plus son travail.
Car les mamans qui travaillent à domicile souffrent d'une image de "passe temps", comme si leur activité professionnelle, étant plus flexible, était secondaire.
Ce n'est pourtant pas un hobby sous prétexte qu'on est chez soi et qu'on gère soi-même son organisation... Faire tourner un business, même à petite échelle, reste bien un travail complet. Qu'on ait des enfants, ou pas.
Pourtant, que ce soit aux yeux de la société comme d'éventuels investisseurs, le job des mumpreneurs reste encore souvent vu comme une occupation temporaire, plus que comme une organisation sérieuse, solide et pérenne.
Et puis... Il reste quelque chose d'étrange dans cette notion de "mumpreneur"...
Pourquoi ne pas juste parler d'entrepreneuse? On n'entend pas non plus parler des "Dadpreneurs"... En fait le terme laisse juste entrevoir un côté "wonderwoman", au dessus du lot "classique" : une mumpreneur se doit donc d'être au top partout, capable de tout gérer d'une main de maître : enfants, travail, stimulation intellectuelle et épanouissement personnel.
A l'attente d'une excellence maternelle, se rajoute celle de l'excellence professionnelle, au moment même où on est parfois un peu vulnérable, dans une société où il nous est difficile de nous repositionner.
Le terme de mumpreneur contribue ainsi à normaliser l'idée qu'on doit être au top sur tous les fronts, sans flancher. Quelle pression!...
Je crois qu'être mumpreneur peut être une super solution, pour les jeunes mamans qui veulent remettre le pied à l'étrier en ayant un vrai défi à relever, construit et bien identifié.
Sur un projet qu'elles ont peut-être déjà mûri depuis des années, et en sachant parfaitement dans quoi elles mettent les pieds, le "break" marternel peut être l'occasion où jamais de se lancer! Sans oublier qu'on peut encore changer de façon de travailler après, quand ses enfants grandissent.
Mais pour celles qui n'ont qu'une vague idée, qui cherchent encore un peu à se trouver, et qui voient juste miroiter la flexibilité qui leur laisserait profiter encore à fond de leur maternité, sans autre réel projet, j'ai peur que la désillusion soit grande, et les fasse vite déchanter.
A la réflexion, c'était un peu mon cas : si j'avais envie de tenter quelque chose avec l'écriture, la broderie ou l'aquarelle, je n'avais pas l'énergie de me battre pour en faire mon activité à temps complet, et de laisser les "à côté" commerciaux ou administratifs grignoter mon plaisir de créer ou le temps que j'ai envie de dédier à ma famille.
J'ai donc décidé de m'inspirer de l'énergie et de la liberté propre à ce modèle, mais de laisser de côté l'écrasante pression qui peut l'accompagner.
En appuyant le développement de ma micro-entreprise, sur un contrat de salariat classique, mais à temps partiel, je m'offre la sécurité d'un poste et d'un revenu fixes, et la liberté de garder un temps dédié à mes enfants, et à mes activités.
Pas au top, partout! Mais juste comme il faut, partout. Juste comme il faut en tout cas pour que ce modèle hybride me corresponde, à moi, sans regret d'en avoir trop fait, ni de ne pas du tout avoir tenté.
Etre mumpreneur est sans doute la bonne solution pour certaines jeunes mamans... mais pas parfaite pour autant : sous ses atours attrayants, ce n'est pas forcément pour toutes, attention!