9 ans, tout simplement
9 ans de toi, déjà, ma bientôt grande fille! 9 ans passés, comme ça, sans heurts ni remous, et toujours tu avances, sûrement et sans à coups.
Je crois que chaque année, c'est ce qui me vient pour te décrire avant tout : ton calme olympien, ton caractère si doux. Avec toi, grâce à toi, tout est facile, sucré, et même souvent mielleux.
Tes câlins, tes bisous, tes mots doux, je n'ai jamais à les réclamer : ça ne durera pas toujours, je le sais, mais j'aurais pu avec toi en faire une inépuisable réserve. On dit souvent qu'il faut remplir le réservoir affectif de ses enfants ; j'ai la chance immense que toi, tu penses toujours à remplir mon réservoir affectif de maman, par tes attentions, tes sourires, tes petits gestes, en passant.
Ta bonne humeur n'a d'égale que ta raison : combo gagnant, qui toujours flatte mon coeur de maman. Excellente élève à l'école, compagnie charmante en société, grande et fine beauté, grande sœur dévouée...
C'est comme si je n'avais rien à faire! Tu sembles être branchée en mode automatique, il suffit juste de remonter ton mécanisme une fois de temps en temps, pour que l'aiguille de ton temps se remette à tourner à son rythme cadencé, prévisible, immuable.
Tic, tac, tic, tac... Mais le temps tourne, ma douce, et chaque jour un peu plus je le sens en toi.
De plus en plus, tu délaisses les jouets pour des moments à toi à lire ou à créer, et tu n'as plus toujours besoin de moi pour te guider.
Tes réflexions s'affinent, tu tires des conclusions de tes observations, tu devances mes demandes, et affirmes tes volontés et tes choix : petit à petit, tu grandis, en exerçant ton libre arbitre, dans le respect des règles et des autres - et j'aime beaucoup ça.
Bien sûr, tu restes encore bien une enfant : disciplinée, volontaire, oui, tu l'es ; mais surtout quand cela t'arrange... Pour le reste, il faut toujours te pousser un petit coup; mais c'est bien normal je crois, et je trouve même plus sain que n'obéisse pas à chaque fois en claquant des doigts.
Je crois même que tu en as besoin, et qu'il te faudrait parfois t'autoriser un peu de fantaisie : pour comprendre qu'on peut parfois avoir un avis différent, trouver ses propres solutions, chercher plus loin que l'évidence, et réaliser que l'on peut, de manière réfléchie, repousser parfois un peu les limites et s'autoriser quelques excès.
J'ai confiance en toi pour arriver à trouver le bon équilibre, et ne pas outrepasser ce droit : je sais combien tu respectes le monde qui t'entoure et les gens autour de toi.
C'est un long travail, quand on a l'habitude d'être docile et de marcher au pas... Mais c'est ça qui fait grandir, et petit à petit, je te sens y venir.
Tu es un tel reflet de moi, que je pense toujours te comprendre, et saisir ce que tu ressens. Je peux bien sûr me tromper - mais je crois avoir beaucoup de tes clés, qui m'ont déjà moi-même un jour débloquée. Alors, sans forcer, j'essaie de te les donner, et de t'amener à toi-même les trouver.
Comme moi, tu t'appliques toujours, et n'aimes pas être prise en défaut, décevoir, te tromper. Pourtant, nul n'est parfait... il faut bien que ça arrive, et savoir le surmonter. On n'en sort que plus fort, et mieux armé. J'aimerais t'apprendre à savoir l'accepter, autant que le gérer.
Comme moi, tu trouves refuge dans un monde de créativité : les mots, les arts, les inventions, tout te plaît - et tu es vraiment très douée. J'aimerais te voir cultiver cette rare qualité, et ne jamais éteindre cette pointe de liberté - elle sera toujours exploitée, dans la vie sous tous ses aspects.
Comme moi, tu sais très bien t'adapter, aux imprévus, aux changements, aux gens - dans chaque situation tu sais faire ta place, même lors des déceptions auxquelles tu dois faire face. Mais je sais que derrière cette calme apparence, ça peut bouillir en dedans... J'aimerais que tu n'accumules pas trop de pression, et que tu ne cherches pas à être trop lisse ou à toujours faire plaisir, à tes propres dépens.
9 ans - et je crois que les bases sont déjà là. Il est temps maintenant que tu commences à construire le reste, à t'affirmer, à oser.
Une part de moi a peur qu'à être naturellement si cadrée, tu finisses un beau jour par exploser.
Ça finira par arriver... Pas tout de suite je crois, mais ce sera sans doute plus tard un passage obligé, et j'aimerais commencer dès maintenant à t'accompagner doucement, autant que je le peux, dans les changements qui t'attendent.
Pour peut-être atténuer quelques unes de tes frustrations, consoler tes inévitables déceptions, adoucir tes prochaines désillusions. Sans vouloir les empêcher ; mais pour t'aider, le moment venu, à les apprivoiser sans tout envoyer valser.
Car le monde t'attend, et tu commences maintenant à l'explorer sans marcher forcément dans mes pas. Tu me ressembles, profondément, indéniablement ; mais tu n'es pas moi.
Et je dois te laisser l'espace de te développer toi, celle dont je commence à percevoir, à des moments fugaces, l'image adolescente qu'il adviendra de toi.
Tu entres à tâtons dans l'âge des vraies découvertes, et je voudrais que tu t'y sentes libre, en me sachant quand même toujours près de toi, mais sans être désormais derrière chacun de tes pas.
Petit à petit, je m'éloignerai, me mettrai dans l'ombre, quand il le faudra.
Mais laisse-moi encore le temps, de profiter de ce qui reste de ton enfance, de te laisser baigner dans ta bulle parfois naïve de légèreté, de te choyer-bisouter-gâter, tant que tu me laisses encore le faire, sans me le reprocher.
A ton âge, la vie est encore simple, belle, dorée comme toi. Ce temps là est si doux, qu'on ne l'oublie jamais tant il reste fort en nous. Profite-en pleinement, et croque la à pleines dents, sans te poser de questions. Vis, tout simplement - je m'occuperai du reste, quand en viendra le temps.
Il y a un temps pour tout... Et celui de tes 9 ans, c'est encore celui de me laisser tendrement te couvrir de bisous.