Laisser craquer ma coquille
Ce week-end de Pâques, nous avons bien sûr chassé les œufs. Pourtant malgré les réjouissances... c'est ma petite coquille à moi, qui a fini par se fendiller.
Nous avions entièrement orienté ce long week-end de Pâques autour de la fête. Au programme, rien de moins qu'un goûter d'anniversaire, des poissons d'avril, une chasse aux œufs en famille, les cousins-cousines, le carnaval et la traditionnelle fête foraine chez mes parents, plus quelques virées au parc ou dans le jardin.
Des journées chargées, toutes dédiées au plaisir de nos filles, qui se sont évidemment éclatées, comme nous l'avions prévu!
Seulement j'avais un peu sous-estimé le niveau de sollicitations et d'excitation de tous que ça engendrerait...
Et ce week-end, j'ai fini par atteindre mes limites de maman, et par avoir besoin de craquer un bon coup.
Je n'avais pas anticipé mon état de fatigue, ni le trop-plein d'émotions que j'avais accumulées, et je n'ai pas résisté à un programme aussi chargé en énergie.
Entre les sollicitations permanentes et les provocations d'une de mes filles, le poids de l'anticipation constante et un ras-le-bol plus général, il y a eu cette petite goutte qui a fait déborder le vase - et j'ai fini par fondre en larmes.
Ça m'a moi-même surprise à ce moment là, mais mes quelques larmes trouvaient évidemment leur source un peu plus en amont.
Bouclette nous a jusque là plutôt épargné le fameux "terrible two", qui c'est cette année finalement limité à quelques petites crises plutôt minimes et tout à fait gérables.
Mais comme sa sœur avant elle, elle semble en réalité avoir attendu un peu pour faire plutôt un petit "terrible three", qui bat son plein en ce moment...
Ces derniers temps nous avons donc affaire à une petite effrontée, une sorte d'ado miniature, trop fière d'essayer d'imposer sa loi, de nous donner des ordres, et de repousser notre autorité, en essayant de nous manipuler au passage.
Rien de si terrible, à vrai dire - surtout qu'elle sait très bien entourer tout ça d'une bonne couche de mignonnerie - mais nous avons affaire... à une sorte de Gremlin.
De gentiment facétieuse le jour, elle se transforme en petit monstre dès qu'il faut se coucher : appels incessants pour aller dormir, à la sieste comme le soir, et multiples réveils au cours la nuit... Le soir venu, elle devient un vrai petit tyran.
Si la situation s'était améliorée pendant quelques semaines, avec le coup des tickets, il est de nouveau difficile de la faire se coucher sans encombre... Et ça pèse sur l'énervement de tout le monde, y compris de sa sœur qu'elle empêche de s'endormir tranquillement.
Depuis quelques temps en plus, la demoiselle a fait un grand pas, en se passant enfin de couches jours comme nuits. Une bonne chose, évidemment, mais du coup elle nous appelle de nouveau la nuit, sans qu'on puisse lui en vouloir... Et notre sommeil est de nouveau haché.
Et la fatigue et l'énervement que provoquent cette situation finissent par me peser. J'ai beau relativiser en me rappelant que ce n'est pas grand chose, ça m'épuise.
Parce que ça entame notre deuxième journée de parents, celle dans laquelle on souffle et où l'on puise une partie de notre énergie.
Parce qu'en 3 ans de vie, Bouclette ne nous a en tout et pour tout offerts que quelques mois de nuits complètes.
Parce que j'ai l'impression de parler éternellement dans le vide, de rabâcher sans cesse, de me répéter sans arrêt pour rien en perdant ma patience au passage.
Parce que j'en ai marre, plus que marre, d'être cette maman qui s'énerve, qui râle, qui gronde, qui menace, celle là même que je voudrais tant ne pas être.
J'ai beau savoir de c'est normal, que ma fille me cherche, me provoque justement, par moments, je n'en peux plus.
J'ai beau être la première à penser qu'il faut arrêter de culpabiliser quand on s'énerve après nos enfants, parce qu'ils ont poussé le bouchon trop loin, je ne peux pas m'empêcher de m'en vouloir.
J'ai beau assumer mes erreurs et ne pas chercher à être parfaite, ces soirées passées à crier dans le vent me laissent un goût d'échec, un sentiment de raté.
J'ai beau avoir si peu pour me plaindre - rien que de très normal en fait quand on est parents, et tellement moins que tant d'autres parents aux conditions bien plus difficiles - au final, ça n'empêche pas parfois la coupe d'être pleine.
Même si tout ça n'a rien d'extraordinaire, même si ce que je vis n'est que le quotidien de tous les parents, cette fois là, pour moi, c'était trop. Alors ce week-end, j'ai craqué.
Craqué d'être appelée toutes les 2mn - globalement dès que je prend le temps de me poser - pour trouver un doudou, essuyer un nez, donner un verre d'eau ou ramasser l'intégralité d'une boîte de gommettes tombée par terre.
Craqué d'avoir eu le cœur fendu, en m'apercevant que ma grande prenait sur elle et pleurait depuis 30mn en silence dans le noir de sa chambre, car on avait pas su lui accorder le calme qui lui était dû, à elle, pour lui souhaiter bonne nuit.
Craqué d'être celle qu'on appelle tout le temps, celle avec qui on cherche sans arrêt à négocier, celle qu'on assume comme responsable des "cris", même quand je ne suis pas seule.
Craqué surtout de passer mon temps à rabâcher, discuter, râler, négocier, gronder, confisquer, pour me faire écouter, ne récoltant au final que culpabilité et doutes, mais pas tellement pour autant d'avancées.
Mais je sais bien que tout ça va passer, que ce n'est une phase parmi tant d'autres avec les enfants... Et craquer m'a fait du bien, comme toujours.
Ce week-end, j'ai juste atteint mes limites, "lâché du lest" au détour d'une phrase un peu trop maladroite qui m'était adressée, et ce trop-plein d'émotions vidé, je sais que ça ira vite mieux.
Je lis souvent des récits de mamans à bout, parlant de leurs enfants ingérables, de leur environnement difficile, de cette difficulté terrible à trouver du temps pour elles.
Mes minettes me semblent à côté bien faciles à vivre dans l'ensemble, et autour de ça, tout va bien... Alors souvent je ne la ramène pas, car je ne m'en sens pas la légitimité.
Je préfère parler ici de maternité au sens large, du recul que mon expérience m'apporte sur la vie de maman, dans sa globalité, plutôt que de raconter des anecdotes de ma vie à moi. Parce que j'ai envie de garder ma (et surtout leur) vie privée, et par pudeur aussi ; et parce que ce que je vis n'a rien que de très banal.
Mais pour autant, ce n'est pas tous les jours faciles, et la simple réflexion d'une amie l'autre jour, m'a amenée à comprendre que je ne le montrais peut être pas assez...
Alors j'avais aussi envie de garder une trace de ce moment un peu dur, même si ça semble pas grand chose, et même si ce n'est que fugace.
Parce qu'il ne faut pas oublier que la vie des mamans est faite de tous ces petits bas, autant que de grand hauts.