Temps pis pour moi...
Le temps me manque... Dans tous les sens du terme, ces jours-ci, le temps me manque.
Il paraît pourtant qu'on a que ça, le temps, avec un confinement. Il paraît même qu'en fait on a que ça, du temps, quand on est mère au foyer...
Alors, oui, je le vois bien s’égrainer, le temps. Celui qui fait durer une éternité les heures qu'on voudrait voir passer, et à peine un instant celles qu'on aimerait faire durer. Celui qui s'échappe sans arrêt, frêle et insaisissable, et qui soudain se délite lorsque l'on croit avoir enfin la main dessus.
Oh, j'en ai devant moi, du temps. Il serait faux de dire que je n'ai plus une minute à moi...
Même s'il est limité, maintenant que Comète a réglé son sommeil, et que les grandes vont à l'école, je peux quand même m'en accorder.
Mais chaque jour je le vois passer, ce temps, et sans arrêt s'enfuir dès que je cherche à l'attraper. Il m'engloutit dans son sillage, chaque geste après l'autre, ne me laissant que quelques miettes, une petite poignée d'heures éclatées sur toute la journée, pour m'occuper de la maisonnée, et peut-être me poser, me cultiver, créer, ou encore rêver. Ou souvent juste pour m'écrouler.
Attends... maman arrive, maman s'en occupe. Attends... maman vient voir, maman note pour plus tard. Attends... maman gère, maman s'affaire. Attends... maman s'y colle, maman s'en charge. Attends - à force, maman n'a plus de temps.
Elle trouve le temps pour tout, mais n'a plus le temps pour rien. Et pour elle, tant pis... Temps p[r]is.
Car même quand j'en trouve, le temps me file entre les doigts, il s'écoule et s'en va, me laissant sur le bas côté.
Papillonnant entre mille idées, naviguant entre plusieurs projets, perdue parmi toutes les tâches dont j'aurais à m'occuper. Trop de possibilités : je ne sais plus par où commencer. Je finis par brasser du vent, et au final, le peu de temps que j'ai va rarement me bénéficier...
J'hésite entre trop d'activités, et le coeur partagé, je finis par moins apprécier ce que je fais ; je me lance dans dix choses à la fois, sans en terminer une ; et les cases de ma to-do list s'accumulent, restant désespérément blanches bien trop longtemps.
En ce moment, je cours après le temps.
Alors dès que j'en ai, à trop vouloir en profiter, je finis éparpillée, éclatée, un peu partout et nulle part à la fois. Et finalement plus que tout frustrée de n'avoir pas su en tirer parti comme je l'aurais souhaité.
Le temps me manque. Dans tous les sens du terme : parce que je n'en ai pas assez pour faire tout ce que je voudrais faire, et parce son absence et son souvenir même finissent par me peser.
Je rêve d'un temps sans limites, d'une durée inconnue devant moi, sans rien pour m'arrêter, et surtout pas des pleurs ou une énième demande à régler.
Dans le fond, quelques heures à peine suffiraient...
Mais des heures de totale liberté, sans avoir à compter, sans craindre d'être coupée.
Pas besoin de Rolex à mon poignet pour me rappeler combien le temps est précieux! Depuis que je suis maman, je le sais plus que jamais. Mais l'expérience m'a aussi permis de savoir que tout ça finira par passer...
Pour l'instant, j'ai un bébé : et tant qu'elle est petite, je dois tout anticiper, préparer, organiser pour elle, et sans arrêt la surveiller, l'aider, la cajoler. Tout en continuant à guider encore ses grandes sœurs sur le chemin qu'elles ont déjà bien entamé, de leur côté, et en leur assurant d'être aussi là pour elles.
Ça me laisse bien peu de liberté!
Et mon temps à moi dans tout ça, je dois un peu le mettre de côté. Je savais bien que j'y viendrai, je suis déjà passée par là, je connais.
Mais un jour, je le sais, ce tourbillon va se calmer, et je pourrai reprendre pieds, me retrouver moi-même, me remettre enfin à souffler. Petit à petit, cette sensation va s'estomper, et un jour sans doute, dans bien longtemps, ce rythme fou finira même peut-être par carrément me manquer. Cette certitude m'aide à mieux l'accepter.
En ce moment le temps me manque, et je sais que ça va encore durer... je m'y suis résignée. Mais même si pour l'instant ça me pèse, je sais qu'au fond, ça va bien trop vite passer.