Et si Instagram courrait droit à sa perte?
Depuis quelques semaines, on sent la grogne monter d'un cran sur Instagram.
Cela fait déjà longtemps que l'on sent les utilisateurs irrités par l'algorithme, de plus en plus restrictif, qui montre les publications à un nombre drastiquement réduit de nos abonnés.
C'est tellement rageant de créer un contenu, que l'on considère intéressant et dans lequel on met le meilleur de nous, pour le voir automatiquement masqué à la plupart des abonnés qui ont pourtant choisi de nous suivre!
Un manque de visibilité qui pousse petit à petit les utilisateurs dans leurs retranchements.
Car il faut être honnête : si l'on cherche souvent avant tout sur Instagram l'inspiration et le partage, on y est aussi, et surtout, pour être vus.
Juste pour se faire plaisir, pour la plupart d'entre nous, ou carrément à titre professionnel, pour beaucoup de créateurs ou influenceurs/blogueurs dont l'activité dépend de leur visibilité sur le réseau.
Dans les deux cas, une frustration s'élève : comment réussir à développer ses produits ou contenus... si personne ne les voit?
L'algorithme répond avant tout aux objectifs clairs d'un réseau dont l'accès est gratuit : rester rentable, en poussant à l'achat de publicité.
Alors, certains, résignés, acceptent cette solution. D'autres choisissent d'autres armes, qui ont jusqu'ici démontré une efficacité certaine : l'organisation massive de concours, l'utilisation de méthodes douteuses, ou la multiplication des partenariats.
Peu à peu Instagram, en prenant de l'ampleur comme principal réseau social grand public, s'est laissé dévorer par cette course à la visibilité.
Des grands comptes, qui ne font presque plus que du marketing, jusqu'aux tout petits, qui espèrent souvent eux aussi - plus ou moins ouvertement - toucher à leur tour une part du gâteau. Tout le monde s'est peu à peu professionnalisé.
La gloire à portée de photos - au moins pour son ego, si ce n'est pas directement pour son porte monnaie.
Le terme "d'influenceur" a peut-être mauvaise presse, mais à une certaine échelle il faut voir la réalité en face : c'est exactement ce que deviennent les comptes qui "marchent", et les marques ne s'y trompent pas.
Pour elles, c'est la bonne aubaine - on trouve partout des abonnés prêts à booster la notoriété de leur produit en l'échange de bien peu... Alors elles s'engouffrent dans le créneau de cette publicité pas chère, multipliant parfois à outrance les collaborations.
Seulement, au milieu de tout ça, le contenu qualitatif commence à se noyer.
Les photos, fussent-elles très belles, sont très uniformisées (malheur à qui n'harmonise pas son fil avec un filtre, ne privilégie pas les fonds blancs et la forte luminosité, ou ne dispose pas parfaitement sa composition).
Pour les légendes, c'est pareil : il faut être drôle ou émouvant, mais surtout percutant : habitués au "fast reading", les abonnés recherchent du vite lu, et s'attardent peu sur les textes longs, s'ils ne savent pas tout de suite accrocher leur attention.
Alors, petit à petit, on étouffe l'originalité, et on ne pardonne plus l'imperfection. Un visuel un peu moyen, une légende trop brouillonne et la publication, faute de "likes" instantanés, part directement aux oubliettes.
Il faut faire court, beau, lisse, mais quand même efficace, le tout avec une régularité sans failles : ça devient une sacrée pression.
Et ça finit par mener tout le monde à bout, des plus petits aux plus grands...
Ces derniers temps par exemple, j'ai vu de grandes influenceuses exprimer leur ras-le-bol face aux indélicatesses croissantes de leurs abonnés.
Un mot de travers mal interprété, un visuel trop décalé, un voyage sponsorisé jugé inopportun, et le couperet tombe, sous forme de commentaires hargneux et agressifs, ou de jugements à l'emporte pièce. Rien ne leur est épargné - encore moins le temps qui peut leur manquer pour répondre immédiatement à tout le monde...
Quant aux petits comptes, s'ils ne mettent la main à la poche pour se payer une publicité aux effets incertains, en espérant contrecarrer le système, ils finissent par ne plus oser poster une photo imparfaite, à se remettre en cause inutilement, ou à se démotiver.
Ou même par se plaindre directement à leurs abonnés, en quémandant likes et commentaires, à coups de posts et de stories parfois presque larmoyants.
Chez tous, petits ou grands, s'exprime la lassitude à s'activer pour rien. Au lieu d'être inspirés, on finit par juste devenir frustrés.
Le désamour s'étend, alors que les likes ou les commentaires n'affluent plus comme avant.
Instagram est aujourd'hui le réseau grand public le plus puissant - les marques ne s'y trompent pas, et ce n'est pas prêt de s'arrêter.
Seulement, j'ai l'impression qu'on commence à arriver à une certaine saturation vis à vis du système tel qu'il est, peut-être aujourd'hui à son paroxysme.
Trop de pub, trop d'uniformité, trop de fausse perfection, trop d'ego.
A un moment, les utilisateurs vont se lasser, et s'ils ne se détourneront pas de l'outil, je crois qu'ils vont changer leur manière de l'utiliser. Comme chez son cousin Facebook, dont le même algorithme semble avoir précipité le déclin...
Suivre moins de comptes, mais plus ciblés. Ignorer de plus en plus les concours aux conditions toujours plus exigeantes. S'éloigner des comptes aux partenariats à gogo, proposés sans discernement.
De célèbres influenceurs eux-mêmes s'engagent pour assainir les pratiques en vogue, en disant stop aux partenariats dont ils profitaient jusque là allégrement, pour tenter de mettre fin à la surconsommation qui en découle.
Je crois que petit à petit, les utilisateurs d'Instagram vont reconsidérer leur utilisation pour aller vers quelque chose de plus raisonné.
Revenir à plus de fond et d'humanité, au delà des belles images d'Epinal - quitte à perdre un peu de visibilité au passage.
Les abonnés comme les marques se tourneront de nouveau vers des comptes plus authentiques, avec une exposition moins grande, mais une confiance et un engagement renforcés.
C'est peut-être une utopie, biaisée par mon envie et le regard bienveillant que je continue à porter sur ce réseau...
Mais je crois qu'on arrive à un tournant, et qu'il serait bon pour tous de prendre ce train en marche.