Lecture - 'Toutes les histoires d'amour du monde' (B.Beaulieu)

Au programme de mon dernier coup de cœur littéraire, "Toutes les histoires d'amour du monde" : rien que ça!

Ce superbe titre - quelle promesse! - et sa couverture colorée, très réussie, m'avaient depuis longtemps attirée vers ce roman sur les étals des libraires. Je lui ai pourtant longtemps résisté, restant raisonnable face à ma pile à lire qui débordait déjà bien trop...

Jusqu'à ce que Marie, du blog Les petits ruisseaux, renforce mon envie de le lire, avec sa chronique enthousiaste, et me propose même de me l'envoyer (merci!)! Comment résister?

Dès réception, le roman s'est donc directement glissé en tête de ma liste - mais il n'y est pas resté longtemps, tant je l'ai vite dévoré!

Je me suis laissée complètement embarquer par l'histoire forte de ce livre, basée sur l'histoire réelle de l'auteur, Baptiste Beaulieu.

Une large part autobiographique qui donne au récit un écho bouleversant, laissant entrevoir combien les implications d'un secret de famille peuvent peser sur la vie de plusieurs générations.

Cette histoire, bien que romancée, se base sur de mystérieuses lettres découvertes dans un coffre au grenier, après la mort de son grand-père. Des lettres écrites années après années, sous forme de carnets, mais jamais envoyées...

Toutes sont adressées avec chaleur à une certaine Anne-Lise Schmidt, dont la famille n'a jamais entendu parler.

C'est le secret que ces lettres renferment, intense et très touchant, que Baptiste Beaulieu a transposé dans son roman.

Jean (alter-ego romanesque de l'auteur) apprend l'existence des lettres alors que son père, Denis, avec lequel il est en froid, l'appelle à son chevet. Depuis qu'il a pris connaissance des lettres, ce dernier est plongé dans un état dépressif.

Se rendre compte que son propre père, Moïse, lui a caché un pan entier de sa vie, et lire les mots tendres et aimants qu'il adresse sans retenue à une femme dont il ignore tout, alors qu'il s'est toujours montré si taiseux et distant avec lui, l'a profondément blessé.

Denis demande alors à Jean de les lire à son tour, puis de l'aider à retrouver la trace de cette mystérieuse femme dont ils savent si peu de choses.

Une quête passionnante, que l'auteur partage avec nous, entremêlant dans son récit les lettres originales, les réflexions qu'elles lui ont inspiré, et les recherches qu'il a entrepris.

C'est une histoire forte, comme je les aime, où la petite histoire rencontre la grande, et où différents destins se retrouvent inextricablement liés, le passé trouvant des résonances avec le présent.

Au fil des lettres, brutes même si on les sent retravaillées, on découvre une magnifique histoire d'amour contrariée, et le portrait d'une époque - celle de la seconde guerre mondiale - dans leur simplicité quotidienne comme dans leur terrible complexité.

Au travers de la partie romancée, on découvre de jolis portraits, et de belles réflexions sur l'amour filial, la transmission et la mémoire.

Les deux parties du récit sont intimement liées, l'histoire du grand-père, même restée secrète, influant sur celle de ses descendants.

Sa fêlure et les conséquences de son attitude passée trouvent un écho dans la relation qu'ils ont bâtie avec lui, et entre eux, et dans leurs actes et réactions d'aujourd'hui.

Baptiste Beaulieu glisse d'ailleurs un parallèle avec sa propre histoire, et sa relation difficile avec son propre père, dans son cheminement pour lui faire accepter son homosexualité.

C'est en suivant le fil de l'histoire de leur aïeul, avançant ensemble grâce à leur quête commune, qu'ils parviendront à reprendre pieds avec la leur.

Le récit est haletant, empreint d'une émotion brute, entre tristesse et espoir, rage et amour perdu.

Le style de Baptiste Beaulieu, tout en simplicité, dégage une poésie douce, sans artifices, au service d'une grande sensibilité et d'une humanité sans failles.

Il n'y a pas de méchants, pas de gentils - juste des hommes qui font face et se battent avec les armes dont ils disposent contre la course de l'histoire. Des hommes qui font de leur mieux, prêts à admettre leurs erreurs, fût-ce tardivement, et à aller au delà des non-dits.

Avec ce roman, Baptiste Beaulieu célèbre la liberté de l'amour avant tout, sous toutes ses formes, affranchie des contraintes qui trop souvent lui pèsent.

Son regard tendre sur le passé de sa famille rend cette histoire universelle, et donne envie au lecteur de l'aider dans sa quête. Les dernières pages lancent d'ailleurs un grand appel à témoins, les recherches n'ayant pas (encore?) permis de retrouver la mystérieuse Anne-Lise.

Le livre se termine sur cette fin ouverte... Mais si l'on reste sur notre faim, c'est uniquement parce qu'on aimerait vraiment qu'il connaisse un jour une vraie happy end.

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